Dure rentrée

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26 / 06 / 2014
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Dure rentrée

 

Chaque matin, Aurélie faisait le tour de la piscine, revêtue d’un ensemble de crépon, léger pour ne pas avoir trop chaud assez long pour éviter la fraicheur matinale. Elle inspectait les matelas, les transats, contrôlait si les cendriers avaient été vidés. Elle regardait s’il ne trainait pas de verres, datant de la veille au soir, ayant appartenu à des clients qui auraient prolongé la soirée, accompagnés d’un punch ou d’un mojito. Ensuite, elle parcourait la plage, toujours pour contrôler la propreté. Il fallait que tout soit impeccable pour accueillir les clients.

Elle avait beaucoup de responsabilités, ce n’était pas facile ; être directrice d’un hôtel c’est devoir tout contrôler. On pouvait la voir en pleine journée parler avec les clients, s’adresser aux organisateurs pour les conseiller sur un jeu collectif avec les adolescents, faire un tour dans les cuisines. Le midi, c’est elle qui servait le punch du jour à l’heure de l’apéritif. Les clients avaient alors tous l’impression « d’être important » car elle se permettait un mot personnalisé avec chacun : qu’avez-vous fait hier soir ? Etes-vous contents de votre promenade en bateau ? Vos enfants se sont-ils bien amusés au mini-golf ?

Puis un jour, une octogénaire a glissé de son transat et s’est blessée grièvement. La justice a poursuivi Aurélie pendant des années. Lasse, elle a jeté l’éponge pour changer de carrière. Après 6 mois de formation dans la coiffure, elle est devenue coiffeuse dans un petit salon parisien. Ses parents qui avaient également été coiffeurs étaient ravis de sa reconversion. Cette fois-ci elle n’était pas à son compte, elle était juste employée. Mais pour elle, il n’y avait pas de différence. Elle s’occupait soigneusement de toutes les clientes, testait avec elles les dernières nouveautés en matière de couleur, de soin pour les cheveux. Il fallait que chacune reparte satisfaite, quelquefois avec un budget restreint. Aurélie y mettait toujours du cœur. Le soir, elle terminait sa journée en balayant et en nettoyant les peignes et les brosses. Elle était très méticuleuse sur la propreté du salon, comme elle l’avait été de son hôtel.

C’est donc en toute confiance que je lui amenais ma fille Pauline, 6 ans, à la veille de son entrée au CP. Je lui demandais une coupe courte, facile d’entretien, de façon à éviter les pleurs chaque matin avec les bouclettes.

Qu’elle ne fut pas ma déception de récupérer une petite fille rasée au bout de trois quart d’heure. Aurélie lui avait découvert des lentes et des poux à foison. La solution la plus efficace était, d’après elle, la tonte. J’aurais dû faire d’avantage attention à ses manies.

Mai 2014 – Orteil d’Or 2014 – Claire Lefebvre

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