Le paysan et le médecin

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18 / 11 / 2014
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« Le paysan restait debout en face du médecin, devant le lit de la mourante. » G de Maupassant,  « Le Diable »

Le paysan restait debout en face du médecin, devant le lit de la mourante. Muet, interdit, sans expression.

Cette force de la nature, taillé comme un bûcheron, qui avait connu durant sa vie tant de coups durs dont il s’était toujours sorti avec courage et volonté, semblait là totalement impuissant, le regard vide, anéanti par l’évènement.

C’est que la Jeannette, dont il avait partagé les jours et les nuits depuis quarante sept ans et qui, avec les bêtes de la ferme, était son seul horizon depuis que ses parents étaient partis, la Jeannette, en cette glaciale nuit de février, était en train de passer.

Le médecin, dépêché en catastrophe, n’avait laissé à son arrivée aucun espoir quant à l’issue possible de la situation.

C’était une question d’heures, tout au plus.

Il n’avait jamais vu, de son vivant, quelqu’un partir.

Certes, il avait bien des fois connu la mort, qui lui emportait certaines années plusieurs bêtes de son troupeau, mais là, le regard suppliant tourné vers le médecin, comme l’implorant de bien vouloir faire un miracle, il ne trouvait rien à dire et restait debout, figé devant sa femme, dont la respiration devenait de plus en plus heurtée et difficile.

Incapable de dire un mot. Statufié. Incrédule. Niant l’évidence.

Le temps lui semblait long, démesurément long, interminable. Il aurait voulu trouver des paroles de soutien, de réconfort. Rien, rien ne venait. Paralysé des mots et du cœur. Demain, il serait trop tard…

Il s’assit sur le bord du lit, prit la main de sa femme, la serra fort dans la sienne, et puis, plus rien…

Le surlendemain, on les porta en terre ensemble, dans la même tombe où ils dorment toujours.

04 novembre 2014 – Textes courts – Louis Mancy

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