Macadam

Macadam, essoufflé, arrive dans le village, tenant dans sa main droite des sandales usées, tandis qu’il cache sa main gauche dans son dos.

Fet Nat, qui répare une guirlande, lui demande : « d’où viens-tu, Macadam ? »

– Du lieu… où j’ai… trouvé ces… sandales ! halète Macadam

– Et elles sont à qui, Macadam ? S’inquiète Fêt NAt

– Je crois … qu’elles sont… à un quidam !

Arrive Souria, la voisine de Macadam,

– Mais tu le connais Quidam ? interroge Souria

– Ben non, dame, tu veux voir sa tête sourire, Souria ?

Et Macadam de tendre, avec sa main gauche, un sac devant Souria :

–  Ouvre le sac , dit-il en poursuivant Souria, qui se met à tourner autour du baobab en braillant de toute sa furie.

Tout le village accourt et, autour du baobab, tout le monde se met à courir pour prendre le train de la furie :

Le village, en chœur : – Macadam, qu’as-tu à courir ?

– Je cours après Souria, répond Macadam qui ouvre le sac, tout en virant autour du baobab.

Le village, en chœur : – Mais pourquoi courrez-vous ?

Macadam : – Demandez-le à Souria

Le village, en chœur : – Il veut te mettre dans ce sac ? Demandent-ils à Souria qui continue à courir, entrainant Macadam et tout le village dans une circum-bao-babionne effrénée, si bien que la poussière enveloppe maintenant toute la ronde et le baobab, qui toussote.

Souria : – Il veut me montrer sa tête !!!

Le village, en chœur : – Sa tête ???

Souria : – Sa tête dans le sac !

Le village, en chœur : – Macadam, tu veux te couper la tête ?

Macadam : – Non, elle est déjà dans le sac !

Le village, en chœur : – Elle est pourtant sur tes épaules !

Macadam : – J’en ai une autre…

Le village, en chœur : – T’as deux têtes, Macadam ?

Macadam : – Deux têtes et Quatre Sandales

Le village, en chœur : – Quatre sandales pour deux pieds ?

Macadam : – Deux sandales dans mes pieds, et deux autres pour les pieds de l’homme sans tête.

Le village, en chœur : – L’homme sans tête ???

Macadam : – Oui, le quidam aux sandales

Le village, en chœur : – Tu as les sandales aux mains ?

Macadam : – Oui…

Le village, en chœur : – Alors c’est toi, le quidam ?

Macadam : – Non, le quidam est sans pieds, et moi j’ai une tête

Le village, en chœur : Ta tête sur les épaules, mais où est le quidam ?

Macadam : Dans la brousse, il allait vite !

Le village, en chœur : – Vite ???

Macadam : Sa tête surtout, je l’ai attrapé dans mon sac !

Le village, en chœur : – Et les sandales ?

Macadam : – Elles ont atterri plus tard, avec moins d’élan…

Deux heures plus tard, l’élan circulaire avait cessé, les gens du village s’étaient partagés les sandales, la tête méconnue de tous avait été enterrée, le baobab respirait enfin.

Jean-Michel KERNE – Textes courts – 28 juin 2015