2 mai 373 à Athènes

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21 / 06 / 2022
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2 mai 373 à Athènes

Le vingt-deuxième jour du mois d’Anthestérion de l’an 375 à Athễnai

Athanase est mort.

Pourtant, son hōroskopos, délivré au petit matin comme chaque jour, par son augure préféré, Ouréa, lui annonçait, « Par Chronos, il est écrit que la journée qui vous attend sera belle et agréable. Vous entamez un nouveau chapitre de votre vie, qui touche de nombreux domaines. En premier lieu, vous abandonnerez le nom de Delvivo, trop modeste, trop latin, pour devenir Evêque d’Alexandrie et dans quelques années, Saint-Athanase. Attention quand même à vos repas. Il serait bon que vous perdiez quelques rondeurs, suspectes pour un saint et non recommandées pour un évêque en début de carrière.»

Après s’être fait répéter une vingtaine de fois son avenir par son fidèle augure, Athanase Delvivo, rose et gras, se leva de bonne humeur en posant le pied gauche en premier. Devenir évêque le comblait ; il ne savait en quoi cela consistait, mais le mot lui plaisait ; devenir saint, le laissait perplexe. A choisir, il préférait devenir évêque et en rester là.

Il lui était indispensable de rencontrer des personnes de haut niveau et instruites qui le propulseraient jusqu’à la sainteté ou, plus probablement et avec de moindres risques, jusqu’à l’Évêché. Athanase ne savait pas ce que représentait la fonction, mais elle semblait prometteuse. Il avait entendu parler de cette nouvelle religion et d’un certain Paul qui avait traversé le pays pour porter la bonne parole. Plusieurs de ses amis lui avait raconté avec enthousiasme l’histoire de Jésus. Ses amis avaient précisé que cette nouvelle religion pourrait devenir dominante et que ses dignitaires, dont les évêques, vivraient respectés, puissants et fort riches. Athanase n’était pas misérable, loin de là, mais devenir évêque lui semblait tout à fait honorable. Il devait en savoir davantage. Athanase s’oignit d’une huile odorante, enfila son plus élégant chiton, fixé aux épaules par de riches agrafes d’argent, le plissa à la taille par une ceinture mettant en valeur son koplos de lin écru. Enfin, il enfila ses beaux cothurnes de cuir fauve. Aussitôt habillé, il s’attabla devant son akrastimos habituel : pain trempé dans du vin, auquel il ajouta une galette de miel.

Athanase se sentait prêt. Il ne savait pas encore où rencontrer les personnes qui l’aideraient à atteindre l’évêché d’Alexandrie, ni ce que représentait cette fonction, mais cette idée chatouillait délicieusement son orgueil. Ainsi, il serait vénéré par l’église catholique, l’église orthodoxe, l’église copte, l’église Saint-Zacharie. Quel avenir !

Poussé par Ouéra, son fidèle augure, il était bien décidé. Mais où devait-il se rendre pour rencontrer son destin ? Même Ouéra l’ignorait. Ils réfléchirent ensemble. La colline de la Pnyx, semblait être le lieu propice pour rencontrer la gloire. Sur la colline siégeait l’Ecclésia, ce qui permettrait à Athanase de rencontrer l’Assemblée des citoyens. Parmi eux, se trouveraient bien quelques représentants de cette religion nouvelle grâce à laquelle il deviendrait évêque. Athanase, son hōroskopos ne pouvant se tromper, escomptait que les citoyens présents voteraient à main levée pour qu’il devienne tout naturellement, un dignitaire de cette nouvelle religion. Tel était son destin. Evêque il serait, son hōroskopos ne pouvant se tromper. Athanase quitta son logement, oint et parfumé, heureux et conquérant, rempli d’espoir et d’orgueil.

On était le 22ème jour du mois d’Anthestérion. L’ambiance était festive. En l’honneur de Dionysos, déambulations, spectacles de rue et comédies se succédaient pour exalter la puissance d’Athễnai. Athanase, parfaitement huilé et tout enflé de sa gloire prochaine, se faufila entre les acteurs, les acrobates, les cracheurs de feu.

Une flammèche s’abattit sur Athanase ; l’huile dont il s’était frictionné prit feu et son corps fut réduit en cendre. Les médecins qui se pressèrent autour de la dépouille d’Athanase, assurèrent qu’une flammèche avait, sans aucun doute, entraîné la combustion des graisses corporelles. Ce qui restait du corps d’Athanase fut lavé, parfumé, habillé de blanc et demeura une journée entière dans le vestibule de sa maison. Groupées autour d’Athanase, les pleureuses s’arrachaient les cheveux.

Ouéra dut changer de métier. Il se renseigna sur la nouvelle religion.

Après quelques années, il devint prêtre, puis patriarche en l’an 402. Il s’envola pour un monde meilleur en l’an de grâce 438 à l’âge de quatre-vingt ans. Pourtant, son hōroskopos lui avait annoncé qu’il s’embarquerait, deviendrait marin, qu’il épouserait une sirène et aurait beaucoup de petits tritons.

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