la voie

La voie

La voie commençait en passant au travers d’un cerceau, mais pas n’importe lequel, le troisième rouge, dans le local à matériel du gymnase de Choisy le Roi. Mais quelqu’un les avait mélangés et je les essayais tous avant de trouver la voie.

La voie continuait au 32bis de la rue Quincampoix, l’escalier au fond du couloir, traverser la chambre de bonne, au septième, puis redescendre par l’escalier de secours, seulement sur les barreaux impairs, dans l’impasse du Cherche-Midi. Surtout, passer à droite des poubelles. Telle était la voie.

Ensuite, la voie enchaînait une série de dessus – dessous, qu’il ne s’agissait pas de prendre à contre sens : par-dessus le fil à linge de Mme Denise, par-dessous la clôture du jardin en face, entre le septième et le huitième poteau, par dessus le cheval noir du manège et par-dessous l’hélicoptère, car c’était la voie.

Ensuite, la voie semblait se perdre dans un terrain vague, mais rien n’était plus précis que ce terrain, car la voie décrivait un 8 autour de deux arbustes avant de rejoindre une voiture abandonnée dans laquelle il fallait entrer par la portière arrière droite, et sortir par le pare-brise absent.

Heureusement, je connaissais toutes les étapes de la voie, car à la moindre erreur il aurait fallu repartir du cerceau de Choisy le Roi.

Je savais par quelle extrémité il fallait entrer dans l’énorme conduite de béton, et par laquelle en sortir, sur le chantier. Le temps aussi était essentiel, car cette conduite ne serait plus là l’après-midi, déjà installée dans sa tranchée, alors que les pierres plates de la terrasse, sur lesquelles il fallait marcher dans un ordre établi, ne seraient en place que le lendemain.

Car telle était la voie, mobile, ne présentant ses passages qu’à certains moments.

Un autre jour, ce serait une autre voie, ou peut-être qu’il n’y aurait plus de voie avant des années.

Où menait-elle ? Quelle importance ? C’était la voie.

8 janvier 2019 – nouvelles – Jean Marie Tremblay