L’autruche
J’ai été pondue sous un soleil de plomb.
Comment puis je le savoir puisque je suis à l’état embryonnaire, cela restera un mystère que d’aucun ne viendra éclaircir car personne ne fut témoin de mon bref semblant de vie.
Et pourtant je livre des émotions somme toute très relatives, à moins que cela soit l’auteur de ce texte qui fait des suppositions à ma place, ce qui donc ne prouve en rien de la réalité de mon existence.
Il serait facile de dire que ma vie a tenu uniquement en un mot et s’est logée dans la boite crânienne de l’humaine en question.
Je ne suis pas et pourtant je pense puisque ma sensibilité s’exprime par l’encre des mots apposés bout à bout.
Comme quoi le déclencheur d’écriture peut faire péter les plombs d’un cerveau en quête existentielle.
J’aurais préféré une cervelle de moineau, un cerveau serein, volatile…
Je retourne à la forme ovoïde que m’impose ma créatrice.
Au début j’étais à l’aise dans cette coquille puis de plus en plus à l’étroit. À entendre le brouhaha extérieur, en sortir ne me disait rien qui vaille. Je me recroquevillais de toutes mes forces. À en croire les coups contre mon habitacle j’en avais conclus que quelqu’un s’efforçait de me délivrer. Devant mon manque de coopérations les coups cessèrent.
La délivrance, voilà bien une prison d’obligation de vie : on inspire au début en hurlant, on expire à la fin de soulagement. Moi je murmure tout bas en pléonasme que personne ne m’entende.
Laissez moi, oubliez moi, vous m’espérez mais vous ne me connaissez pas, je pourrais vous décevoir, je vais vous décevoir c’est sûr et certain !
Je ne serais pas obligé, sans joie, ni peine, rien, rien de rien, moins que rien… Je sais, moins que rien c’est encore quelque chose alors le vide, le néant sans bord, sans couleur, ni odeur…
Qui en décide, qui décide?
Comment refuser, auprès de qui faire réclamation?
Pas de question, pas d’existence.
Je suis libre!
26 novembre 2018 – Textes courts – Marie Batllo