Le voyage de Zil
Le voyage de Zil
– On est partis !
– On n’a pas oublié quelque-chose ?
– Zil !
– Elle est restée sur l’aire de jeux ! Je ne peux pas faire demi-tour, maintenant. La prochaine sortie est à 80 km.
– Le temps qu’on revienne, elle sera partie. Il suffit qu’elle voit un petit lapin pour qu’elle le suive dans son terrier, et alors…
– Comme dans Alice au pays des merveilles. Ou supposons que Zil, elle suive un écureuil…
– Ou un camionneur ! S’il l’emmène à Vesoul, comment on va la retrouver ?
– Je la vois dans les rues de Vesoul. Papa ? Maman ? La pauvre…
– Mais non, elle se souviendra du numéro de l’autoroute et elle fera du stop dans l’autre sens.
– Et pendant ce temps là, on l’attendra à l’aire du Buisson doré.
– Oui, mais supposons qu’elle ne se rappelle plus du nom de l’aire, et quelle passe tout droit. Qu’elle nous attende à l’aire du Buisson vert.
– Et là, ça recommence. Comme on arrive pas, forcément, puisqu’on l’attend au buisson doré, elle suit un lapin, ou un écureuil, ou un autre camionneur.
– Peut-être qu’elle ne cherchera pas tout de suite à nous retrouver, qu’elle aura envie de voyager pour de bon.
– Alors là, si elle part en Chine ou en Inde, on n’est pas prêts de la revoir.
– Elle serait contente de voir des éléphants, des vaches sacrées, la Grande Muraille…
– A l’âge qu’elle là, comment veux-tu qu’elle se débrouille pour manger, et dormir, et tout.
– Elle connait des trucs. Elle fera son show et récoltera de l’argent dans son bonnet.
– Quand même, elle aura froid.
– Pense-tu ! Elle pourra s’acheter des polaires et des vêtements fourrés, avec le talent qu’elle a.
– Mais pourquoi aller si loin alors qu’on est si bien, ici ?
– Les voyages forment la jeunesse. J’espère surtout qu’elle ne nous en voudra pas de l’avoir abandonnée sur une aide d’autoroute.
– Si ça peut l’instruire, après tout…
– Sûrement qu’elle nous remerciera un jour de lui avoir donné sa chance de découvrir le monde.
– Je préférerais qu’elle nous attende à l’aire du Buisson doré, qu’on ait encore le temps de lui expliquer. Je ne sens pas prête à me faire du souci pour elle, sur toutes ces routes…
– Moi non plus. Peut-être qu’elle sera toujours sur le toboggan et n’aura même pas remarqué qu’on est partis.
– Mais non, regarde, elle dort derrière !
Jean Marie Tremblay – Biographies – 14 novembre 2017
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