Chaos

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02 / 01 / 2017
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Chaos.

Ce jour où nous avons su, quelque chose en nous s’est libéré, dans un grand bruit de catastrophe. Comme si nos os avaient rompu, l’écorce terrestre s’était craquelée et que les réseaux de communication crépitaient comme une mèche de bâton de dynamite. Parce qu’il ne pouvait en être autrement face à cette information. Nous savions tous qu’il y aurait désormais un avant et un après. Les pronostics des uns et des autres n’avaient plus de sens et personne ne pouvait comprendre. Voilà, le pire était arrivé, du moins le pire que nous étions en capacité d’imaginer.

Aujourd’hui, avec le recul, je me dis que l’imaginaire manquait cruellement de chaos. La vie est toujours plus réelle que la fiction et bien plus impitoyable. Heureusement, à l’époque, nous ne pouvions pas savoir. Certains auraient abandonné, préférant mettre fin au supplice dès le départ. Cette innocence, nous a permis de garder un cap, de nous y accrocher et quelque part de résister. L’action a empêché la réflexion et l’acceptation. Ce sursaut nous a conduit à nous dépasser et à puiser en nous des ressources que nous ignorions. Personne ne se connaît et le hasard décide seul de nous. Voilà ce que ce jour là et les suivants m’ont appris. Rien n’apparaît ainsi dans les livres d’histoire que j’ai étudié, cette somme de tempêtes intérieures qui fait oublier soi pour devenir nous.

À l’aube d’une mort certaine, je ne peux expliquer comment nous en sommes arrivés à tant de pugnacité pour ne pas céder alors que rien ne nous y préparait. Quand les fléaux s’abattent, il faut croire, ne pas laisser la lumière s’éteindre et entretenir l’étincelle.

Trump était président, qu’est-ce qui pouvait être pire ? Nous nous raccrochions à cette espérance chimérique. Nous pensions tous à l’autoroute qui s’ouvrait à l’extrémisme mais nous continuions tous à penser au sursaut national. Celui qui allait fatalement saisir tous les citoyens. Les primaires de tous bords ne semblaient pas en mesure de stopper l’avancée fatale. Pourtant nous espérions encore, fous des valeurs républicaines que nous pensions, à tort, acquises et primordiales. Les diverses prises de position, les sermons pour moraliser le peuple, nous laissaient un goût amer. Nous sentions que la sauce ne prenait pas qu’elle avait besoin de plus de temps. Les sondages se voulaient rassurants et le doute nous faisait espérer.

Le premier résultat fut le dernier. La majorité était largement acquise l’extrémisme était au pouvoir. Il n’y aurait pas de seconde chance, de rattrapage de voix, de tractations ou d’alliances possibles. Il l’avait emporté et avec la victoire, la Déclaration des Droits de l’Homme, la Constitution et les diverses assemblées élues étaient relayées au passé.

Finie la promotion scolaire, l’école devenait un lieu propice au sport et au lavage de cerveau. Pourquoi apprendre à lire à des enfants ? Pour leur bien seule l’activité physique compte et est le seul enseignement valable et autorisé. Les ignorants sont l’essence même de notre monde décadent saturé de pollutions.

Je dois être la dernière à pouvoir encore écrire alors que je sais que plus personne ne sait lire. Je prie pour qu’une pierre de Rosette apparaisse et que ses carnets soient un jour lus et compris.

13 décembre 2016 – Textes courts – Emmanuelle Dal Pan

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