Chut…

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05 / 09 / 2016
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10 avril 1956, après un hiver glacial, un poupon né de frais s’époumonait  d’étonnements  divers dans les bras de sœur Marthe à l’hôpital St Germain d’Auxerre.
Ce jour là, la poitrine de Jacques sonnait à la volée, sa joie illuminait ses pas en lévitation de bonheur.
Il était un papa d’une espèce en voie d’interrogation. Une fille, bizarrerie de la nature  pour un papa comme celui là.
Une gamine, une drôlesse, une demoiselle après trois frères et deux fils, une princesse.
Sa maman lui avait tricotée une layette des plus coquettes, du premier cri au dernier cri.
Des fées se sont perchées sur son berceau  brodé d’initiales aux points perlés.
Les fadaises béatifiées des voisins, de mémère et pépère, des tatas, des tontons réchauffaient ce bébé surpris par la vie.
Ses grands frères avaient jeté un œil à peine curieux plutôt suspicieux et d’un haussement d’épaules repartirent au pays des cowboys et des indiens, étonnés du comportement indécent des adultes en transe.
La petite gigotait, les poings serrés. Ses gestes saccadés suspendaient le regard de maman veillant telle la pleine lune le champ du père Clément.
Sa peau était fine et délicate, des lotions au goût d’amande s’immisçaient dans les plis charmants de ce bébé adoré.
Un bébé rire à la tête ronde.
Sa joie continua d’inonder la maison de la cave au grenier en passant par la cuisine familiale où le chat ronronnant de plaisir frottait ses babines humides contre les jambes laiteuse de sa mère.
Les heures, les jours, les mois s’égrainaient, la gracieuse fleurissait les vases communicants, innocemment.
Elle a toujours été comme ça.
Gaie, bavarde, gentille, une petite fille gentille, primesautière, vive, spontanée, espiègle.
Et jolie, des yeux bleus plissés d’éclats dorés de rire, deux bonnes joues à fossettes de doux bibis, au milieu, un petit nez abasourdi de taches de son, auréolés de cheveux de soie mordorés.
Elle s’émerveillait de mille et une nuits de poussière d’étoiles filantes, bullait sur la voie lactée avec le petit Jésus son ami de prière d’espoir des soirs esseulés.
Les jours de pleine lune des voix de basse tintinnabulaient à peine  perceptibles, des voix de sirènes haletantes imprégnaient l’environnement du baby blues.
Mais chut!
Le rire à tout prix, éloigner la peur, contrôler le vide, rire de désarroi et d’effroi, rire, sourire tout à la fois.
Chut.

04 septembre 2016 – Textes courts – Marie Batllo

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