Exercice de style : Olfactif

Exercice de style

Le petit homme s’arrêta sur le belvédère d’où il pouvait embrasser l’esplanade où manœuvraient les militaires, aux pieds de la grande tour métallique, qui jaillissait avec élégance vers un firmament solennel et brumeux. Il grimpa sur un banc, pour ne pas être gêné dans sa contemplation par le sommet de la balustrade. Une maman qui emmenait jouer au parc une gamine et son cerceau, le sermonna pour qu’il en descende et voulut lui tirer les oreilles.

OLFACTIF :

Le parfum vulgaire et bon marché, mais néanmoins discret s’arrêta sur le belvédère. Il flottait au ras du sol. Là, il se mêla à l’odeur musquée de la sueur d’un groupe de militaires qui manœuvraient sur l’esplanade, ainsi qu’aux relents métalliques d’une tour que les yeux fermés on devinait jaillir de la moiteur lumineuse.

Pour mieux humer les fragrances militaires et sidérurgiques, le petit homme, à qui appartenait le parfum vulgaire et bon marché, mais néanmoins discret, grimpa sur un banc. Là, pensait-il, le vent lui apporterait mieux les émanations mâles et métalliques qu’il prisait.

Mais voilà que les effluves d’une matrone et de sa gamine shampouinée au Parapoux vinrent interrompre sa dégustation. D’autant que, comme si leur irruption olfactive ne suffisait pas, la mégère suintant l’eau de Cologne et le désinfectant lui contesta le droit d’élever ses narines au dessus du commun des mortels, et à défaut de s’en prendre à celles-ci, chercha à lui attraper les appendices les plus proches.

31 mars 2015 – Ludotextes – Jean Marie Tremblay