Cauchemar.

post details top
11 / 12 / 2014
post details top

J’ai toujours eu un sommeil de plomb. En randonnée, je me souviens m’être endormie sur le sol nu d’un garage, la tête sur une gourde, bercée par une chasse d’eau automatique. A six heures tout le monde était debout, l’humeur dans les chaussettes, les cernes sous les yeux. Moi j’étais bien, si mes camarades ne m’avaient pas secouée pour se précipiter vers un café serré, je n’aurais pas bougé avant dix ou onze heures.

Pourtant, depuis quelques temps, je me réveille en sueur au milieu de la nuit. Ensuite, impossible de me rendormir. Les yeux grands ouverts, j’essaie de me souvenir du cauchemar qui me laisse ainsi écrasée de terreur. Impossible. J’ai peur sans savoir de quoi, je veux me protéger sans savoir d’où peut venir le danger.

Je rumine, je me tortille, aucune image ne me revient, aucune explication ne s’impose. Je ne suis pas spécialement stressée, je vais bien. J’ai un travail intéressant, des collègues sympas, les enfants sont partis mais ils passent de temps en temps. Mon mari ronfle doucement à côté de moi. Si je le poussais légèrement du coude, je sais qu’il ouvrirait un œil, me prendrait dans ses bras pour me rassurer. Je ne le fais pas, je me sentirais encore plus mal, prisonnière et gardienne de son sommeil.

Alors je me lève. Je me place devant la fenêtre et je regarde la rue. Depuis quelques semaines, l’éclairage public s’éteint à 23 heures et à part quelques phares de temps en temps, les nuits sont vraiment noires cet hiver. Je ne vois rien bouger, je n’entends rien. Ce silence m’inquiète encore davantage. Une seule chose me rassure dans ce noir de tombeau, une petite lumière étouffée au coin de la maison d’en face. C’est une maison décrépie. La peinture des volets s’écaille, le portail toujours ouvert est dégondé, les thuyas n’ont pas été taillés depuis des lustres et semblent vouloir envahir le jardin. Là pourtant quelque chose brille, quelqu’un veille. Je m’imagine un allié, un protecteur. Nuit après nuit cette présence me rassure. Je la regarde de longues minutes et je m’apaise.

Chaque matin, je passe devant cette maison amie pour aller chercher ma baguette de pain. Un mardi ensoleillé, pleine d’enthousiasme, sur un coup de tête, je sonne. Je veux parler à mon ange gardien, faire connaissance avec mon voisin insomniaque, qu’il sache ce qu’il m’apporte.

Pas de réponse. J’attends un peu, un chat efflanqué vient se frotter contre mes jambes, de près, c’est certain, la maison tombe en ruine. Je n’aurai pas de réponse, je me retrouvai seule, cette nuit avec mon cauchemar.

02 décembre 2014 – Textes courts – Laure Timon

Laissez un commentaire

Rechercher