Nos jeux d’enfants

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13 / 05 / 2014
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Les parents vendaient de l’essence, de l’alcool à brûler, du pétrole et dans un coin de la cour, il y avait toujours des bidons vides ou que l’on croyait vides …Quelquefois, on (les garçons) tirait dedans avec un pistolet à amorces et il en sortait une jolie flamme qui nous fichait la frousse ; mais plus souvent, on montait un orchestre et on chantait à tue-tête en frappant sur le bidon ; le voisin « du dessous » qui n’avait pas toujours bon caractère, parfois se mettait à rugir et nous n’en étions pas si mécontents, peut-être bien que notre mère non plus !

Il nous arrivait d’aller jouer dans la grande cour du boucher dont la fille unique (nous ne pouvions que la plaindre de cette solitude) jouait facilement avec nous ; nous étions experts dans la confection de parfums différents selon les saisons : iris, lilas, muguet, seringa, rose , acacia etc…Parfums délicieux pour nous ! Ou bien nous faisions d’interminables tours de vélo autour d’un arbre géant provenant d’Amérique, disait-on. Jean en a vu beaucoup à Lima où ils fleurissent jaune ; l’arbre d’Eliane n’a jamais fleuri !

Certains jours, le boucher tuait une vache ; il mettait un masque de cuir à l’animal, l’assommait, le saignait…Les filles et Jean n’ont pas fait plus d’une expérience du spectacle d’abattage ; quant à Edmond, il se régalait d’un verre de sang, sang de veau encore tiède quand la jeune bête passait à l’abattoir.

Dans notre enfance, tout paraît devenir jeu : la poule que l’on met à couver, l’attente des poussins, les poussins ! Donner à manger aux lapins et aller chercher l’herbe, jouer avec le chien, le dresser à porter le panier à asperges dans sa gueule et le laisser perdre le couteau à asperges qu’il fallait rechercher sur les chemins, endormir les poules en leur mettant la tête sous l’aile et en les berçant, faire des têtes de mort en creusant d’énormes potirons dans lesquels on mettait une bougie allumée ; nous avons inventé Halloween !

Les jours de grand froid ou de maladie, les trois gamins avec coqueluche, rougeole, varicelle ou oreillons,c’était folklo ! On se repliait dans la cuisine ; alors là… pauvres parents ! Grimpés sur la maie, grand théâtre avec pièces inédites et maintenant perdues pour la postérité, collage d’images de toutes sortes sur des albums, jeux de table, bien sûr : dames, nain jaune, petits chevaux, jeu de l’oie, dominos …Et même, fabrication d’explosifs : prenez un tube d’aspirine vide, mettez dedans un mélange de soufre (à chiper au grenier où il y a tout pour la vigne), du salpêtre (en abondance sur la voûte de la cave) et du charbon de bois pilé (rangé dans la « chambre du four ») : mettez le tube dans le feu et, quelques instants plus tard, le couvercle de la cuisinière devient soucoupe volante.

On inventait même des histoires pour les jours d’été où on était obligés de faire la sieste : histoire de Bilboquet et Ricoquet, des chants sur des noms de célébrités du village ; lorsque Carmen s’est mariée, nous avons fait des vocalises avec ce nom si insolite pour nous : Carmen Matta Irabina !

Quelle créativité et quelle chance de ne pas avoir des jeux tout faits ! D’être nourris d’histoire locale, nationale, d’avoir nos héros : Bayard, Du Guesclin, Jeanne d’Arc etc…Et finalement, nous n’étions pas si mal ! D’ailleurs, quand la grand-mère nous gardait et qu’on était maîtres à bord, ( pas tant que ça , elle était habile la grand-mère ! ) au retour des parents , venait l’inévitable question rituelle :  » Ont-ils été sages ? »  » Oh oui bien sages !  » Même si Marie , la voisine, avait tapé dans le mur mitoyen pour nous demander de baisser le volume !

12 mai 2014 – Fragments – Marité G.

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