L’animus l’anima


L’animus l’anima
(Et vice-versa)
à partir d’un dialogue repris dans le Baron Perché d’Italo Calvino
- Mais qu’est-ce ? Un chat ?
- Ce n’est qu’un homme, rien qu’un homme !
- Les hommes miaulent à présent ?
- Non mais ils soupirent.
- Pourquoi ? Qu’est ce qui te manque donc ?
- Ce que tu as.
- Quoi donc ?
- Viens ici je te le dirai.
Et il l’embrassa. Elle ne comprit pas.
Parfois les hommes voudraient ne plus en être.
-
Ah oui ? Et pourquoi ?
-
Parce qu’être un homme c’est usant à la longue…
Parce qu’il faut toujours se montrer conforme à ce que l’on attend de nous.
-
Et qu’est-ce que j’ai que tu n’aurais pas ?
-
Une paire de seins très ronds, un beau bassin bien large, des cheveux longs, tes yeux bleus pour pleurer de vraies émotions.
-
Que des fragilités
-
Et moi, que de la force, de la brutalité, de l’écorce.
-
Tu voudrais être tendre ?
-
Oui en secret, j’aimerais pouvoir être imprimé, marqué, incisé, mordu…
-
J’envie ta grande force. Ainsi tu n’as pas mal.
-
Pas de peur, pas de joie, pas de douleur, plus qu’un arbre creux.
-
Qu’as-tu fais de l’intérieur ?
-
Je l’ai vendu, bradé même.
-
A qui ?
-
A la plus offrante, à une marchande d’illusions, pour une image de bonheur, des clichés auxquels je croyais. A la fois tellement concrets et tellement vides.
-
Quant à moi, j’ai tout gardé. Personne n’a jamais rien réclamé.
-
Toi tu es intègre, entière…
-
Je suis pourtant dans le même état que toi, à ma manière.
-
Comment-est-ce possible ?
-
A quoi sert d’être mûre si c’est pour ne rien en extraire ? A quoi sert d’être riche si personne n’est là pour partager ? A quoi sert d’être une femme si on n’a pas son homme à ses côtés ? A quoi sert d’être nue si on n’est pas aimée ?
-
Tu es vivante.
-
Et je suis sèche et je suis seule depuis si longtemps que parfois moi aussi je voudrais être un homme, avoir ce que tu as.
-
Un torse velu, mon mètre quatre-vingt-dix, ma boule à zéro et un pénis ?!
-
Tout cela oui tant pis, si j’ai la faculté d’oubli, ta froideur légendaire, ton endurance à la vie…
Si les choses pouvaient juste glisser sur moi quelquefois, ne rien retenir, tu vois, ne plus souffrir.
-
Alors c’est conclu ?
-
Quoi ?
-
On échange ?
-
Vraiment tu serais prêt ?
-
Avec toi ? Je ne crois pas.
-
Pourquoi pas avec moi ? C’est que je n’ te plais pas ?
-
Si
-
Alors quoi ?
-
A bien y regarder, je trouve qu’on se ressemble…
-
Si nous étions ensemble, d’une certaine façon, j’aurais ce que tu as et à toi, je veux bien enseigner ce que j’ai.
-
Je crois que j’aimerais ça.
-
Tu devras être patiente.
-
Tu devras affronter tes peurs les plus profondes. Tu ne devras pas fuir, la route sera longue…
-
Je crois que cette fois, ça y est, je suis prêt.
Il lui prit la main, menue délicate, la serra dans la sienne épaisse, frustre et ils empruntèrent ensemble le chemin…
12 juin 2012 – Textes courts – Clarime de BROU
1 Commentaire