L’animus l’anima

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29 / 06 / 2013
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L’animus l’anima

(Et vice-versa)

à partir d’un dialogue repris dans le Baron Perché    d’Italo Calvino

  • Mais qu’est-ce ? Un chat ?
  • Ce n’est qu’un homme, rien qu’un homme !
  • Les hommes miaulent à présent ?
  • Non mais ils soupirent.
  • Pourquoi ? Qu’est ce qui te manque donc ?
  • Ce que tu as.
  • Quoi donc ?
  • Viens ici je te le dirai.

Et il l’embrassa. Elle ne comprit pas.

Parfois les hommes voudraient ne plus en être.

  • Ah oui ? Et pourquoi ?

  • Parce qu’être un homme c’est usant à la longue…

Parce qu’il faut toujours se montrer conforme à ce que l’on attend de nous.

  • Et qu’est-ce que j’ai que tu n’aurais pas ?

  • Une paire de seins très ronds, un beau bassin bien large, des cheveux longs, tes yeux bleus pour pleurer de vraies émotions.

  • Que des fragilités

  • Et moi, que de la force, de la brutalité, de l’écorce.

  • Tu voudrais être tendre ?

  • Oui en secret, j’aimerais pouvoir être imprimé, marqué, incisé, mordu…

  • J’envie ta grande force. Ainsi tu n’as pas mal.

  • Pas de peur, pas de joie, pas de douleur, plus qu’un arbre creux.

  • Qu’as-tu fais de l’intérieur ?

  • Je l’ai vendu, bradé même.

  • A qui ?

  • A la plus offrante, à une marchande d’illusions, pour une image de bonheur, des clichés auxquels je croyais. A la fois tellement concrets et tellement vides.

  • Quant à moi, j’ai tout gardé. Personne n’a jamais rien réclamé.

  • Toi tu es intègre, entière…

  • Je suis pourtant dans le même état que toi, à ma manière.

  • Comment-est-ce possible ?

  • A quoi sert d’être mûre si c’est pour ne rien en extraire ? A quoi sert d’être riche si personne n’est là pour partager ? A quoi sert d’être une femme si on n’a pas son homme à ses côtés ? A quoi sert d’être nue si on n’est pas aimée ?

  • Tu es vivante.

  • Et je suis sèche et je suis seule depuis si longtemps que parfois moi aussi je voudrais être un homme, avoir ce que tu as.

  • Un torse velu, mon mètre quatre-vingt-dix, ma boule à zéro et un pénis ?!

  • Tout cela oui tant pis, si j’ai la faculté d’oubli, ta froideur légendaire, ton endurance à la vie…

Si les choses pouvaient juste glisser sur moi quelquefois, ne rien retenir, tu vois, ne plus souffrir.

  • Alors c’est conclu ?

  • Quoi ?

  • On échange ?

  • Vraiment tu serais prêt ?

  • Avec toi ? Je ne crois pas.

  • Pourquoi pas avec moi ? C’est que je n’ te plais pas ?

  • Si

  • Alors quoi ?

  • A bien y regarder, je trouve qu’on se ressemble…

  • Si nous étions ensemble, d’une certaine façon, j’aurais ce que tu as et à toi, je veux bien enseigner ce que j’ai.

  • Je crois que j’aimerais ça.

  • Tu devras être patiente.

  • Tu devras affronter tes peurs les plus profondes. Tu ne devras pas fuir, la route sera longue…

  • Je crois que cette fois, ça y est, je suis prêt.

Il lui prit la main, menue délicate, la serra dans la sienne épaisse, frustre et ils empruntèrent ensemble le chemin…

 12 juin 2012 – Textes courts – Clarime de BROU

 

1 Commentaire

  • Pezennec Denise

    Bien jolie façon d’aborder le couple, son essence, l’échange et la qualité de ce que chacun apporte de soi à l’autre.J’aime beaucoup.

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