Douleur Alzheimer


MÈRE, ma mère
où es-tu, si proche en ton fauteuil
et cependant si loin ?
MÉRE, ma mère
par quel hublot du temps viens-tu de t’échapper ?
Je n’ai plus que ton corps sur lui-même affaissé
la tête pantelante.
De ta bouche tordue coulent en flot pressé
des moments de ta vie
des bribes
de ton existence passée.
MÈRE, ma mère
tu m’as abandonnée dans le temps d’aujourd’hui
tu vis tes souvenirs, les parles, les commentes.
Je te devine jeune, impatiente,
à la porte de ta maison tu attends le retour de mon père
mais il n’arrive pas
un allemand, l’ennemi, entré dans ta boutique
ouvre son portefeuille pour te faire admirer
sa fille qui ressemble à la tienne
les mêmes boucles blondes
«papa allemand ?» dit-il en me montrant…
Comme tu revis l’offense!
Tu t’agites en ton fauteuil
tes mains maigres se serrent,convulsives
tes doigts crispés griffent la paume de tes mains
ridées, si pâles.
Une mèche d’un blanc terne tombe sur ta joue grise
d’un doigt que je voudrais léger
je la remonte un peu
dégage ton visage.
Comme ton regard est vide
qui traverse le mur !
Je me sens translucide
pour Toi je ne suis Rien
tu ne vois plus ta fille.
MÈRE, ô ma mère, où t’en vas-tu si loin ?
Denise Pezennec – Poésie -1er prix Poésie libérée Bourgogne Nivernais Morvan