Un moment de honte est vite passé

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06 / 07 / 2012
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Un moment de honte est vite passé.

 Mettez en scène, dans un court récit, un personnage de votre choix, dans une situation de gêne en public.

Il venait là tous les midis, chaque jour ouvré, quand il n’était pas en congés, non par souci de gastronomie, le foyer des jeunes travailleurs n’offrant que des possibilités de repas assez modestes, mais parce que nombre de salariés de la ville venaient déjeuner ici dans un temps trop court pour le faire plus confortablement chez eux.

Et puis, il y avait toujours du spectacle !

Ils avaient appris à se connaître et se retrouvaient habituellement à la même table, une bonne bande de joyeux lurons…

C’était là qu’entre midi et treize heures, il accomplissait ses plus belles prouesses, réalisait ses plus beaux coups, faisait les plus folles propositions, n’y allant pas avec le dos de la cuiller et mettant même les pieds dans l’plat si nécessaire…

Toujours convaincant et sûr de son coup, il concluait là ses plus belles affaires et venait, entre poire et fromage, débaucher les uns les autres pour leur proposer enfin l’emploi mirifique taillé pour eux sur mesure, qui leur irait comme un gant, dépasserait toutes leurs espérances, et de surcroît, leur ferait gagner beaucoup d’argent !

Il avait dans son emphase tant de faconde, dans sa verve tant de conviction que les plus hésitants finissaient par céder à écouter les sirènes de sa voix si débordante d’optimisme et de jovialité !

Il avait réussi à faire embaucher un peintre faisant depuis longtemps tapisserie et qui reprit aussitôt du service dans un restaurant, un plongeur à la cafétéria de la Base Nautique, une personne illettrée au Ministère de la Culture, section des fouilles archéologiques…

Cette fois, il vantait à la cantonade les mérites pour des étudiants à ne pas rester oisifs tout l’été en s’adonnant assidûment à la cueillette des cornichons.

Force gestes à l’appui, il ponctuait ses propos en mimant généreusement la position la plus adéquate pour offrir le meilleur rendement…

Soudain, la couture de son pantalon, lui aussi du «  sur mesure », se fendit d’un grand éclat de rire, dévoilant une large rougeur aux fesses, de la ceinture à l’entrejambe, couleur de son slip ce jour là, qui bientôt le gagna jusqu’à la tête, lui ôtant tous ses effets…

Il en resta sur les fesses. Que faire en cette occasion ? Partir en catimini et raser les murs en esquissant des entrechats pour tenter de masquer la plus cuisante déconvenue de sa carrière d’orateur ?

Un moment de honte est vite passé. Puisqu’il devait en découdre ce jour là, autant que ce ne soit pas pour rien ! Prenant ses clics et ses cracs, il se mit à courir entre les tables comme un forcené en criant  à tue-tête : «  au feu, au feu ! » avant de s’engouffrer dans sa voiture qui démarra en trombe en crachant des étincelles…

07 juin 2011 – Textes courts – Louis Mancy

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