Gare d’Auxerre St Gervais
Gare d’Auxerre-St Gervais, mardi 12 avril, 18h à 19 h.
Observation / Prise de notes : particulièrement sur les usagers du lieu, un peu à la façon d’un « profiler ».
Pas perdus ds le hall. Une femme traverse comme une flèche, composte, se jette ds le train, quai 1, qui démarre 5 secondes plus tard.
Affiche d’un film d’action. L’homme, tête baissée, au volant d’une voiture, un fonceur.
La femme, blonde, tête en arrière, blonde, suggestive. Des flammes autour du véhicule.
Arriveront ils à bon port ?
Un homme en complet veston, portable à l’oreille, arrive du quai précipitamment, les portes s’ouvrent à l’improviste, fait qques pas, fait subitement demi tour et repart sur le quai où il disparaît.
Une dame arrive droit sur le composteur, petits pas sautillants, retraverse tout le hall du même pas léger jusqu’au distributeurs de boissons vers le quai, repart aussitôt guichet 2, sort de la gare en sautant ; en courant.
Un homme, très grand, chemise bleue, crane rasé, sac rouge, ceinture qui fait le ventre, regarde au loi, ses mains en visière de casquette, tourne en rond, repart.
Des boucles d’oreilles colorées qui sautent, lunettes de soleil aux branches oranges, le pouce dans la bouche, cherche quelque chose, sac très voyant fleuri.
Bruit du composteur qui grince.
Premier voyageur sort, casquette vissée sur la tête, au pas cadencé, une baguette de pain à la main.
Un Carlin très âgé se traîne derrière son maître .
Le Buffet de la gare. Prise de notes rapides sur le lieu : déco, ambiance, fréquentation.
Vide.
2 appliques lumineuses au mur, spots rouges au bar, musique de Michael Jackson.
Un pilier de comptoir, à l’extrême gauche, soutient sa tête d’une main, l’autre main dans la poche du jean, regard absent.
Excepté le groupe, personne d’autre. Des rires fusent à la table à coté. Tout de suite plus sympa quand plusieurs personnes rient.
Un rayon de soleil vient opérer la magie…
À partir de vos notes, faîtes le portrait d’un (ou plusieurs) personnage(s) que vous avez découvert en gare d’Auxerre, en nous racontant son (leur) histoire, des anecdotes sur sa (leur) vie(s), à la manière d’une nouvelle, et en les faisant transiter par le Buffet de la gare.
VOYAGE , VOYAGE…
En avril, un soir, gare d’Auxerre, sur les coups de six heures, dans l’attente d’un train annoncé avec quinze minutes de retard.
Des pas perdus qui claquent sur le dallage, une flèche de femme qui court dans l’espace, les portes qui trébuchent et se reprennent in extremis pour lui livrer passage, elle se jette dans le premier train venu tout exprès resté à quai pour l’accueillir.
Emballé, c’est pesé !
Cinq secondes encore, le monstre d’airain s’ébranle, une porte claque, la femme dans le train court toujours, ouvre la fenêtre avant de s’asseoir…
Mlle Courant d’Air, de son état coursière, allongeant les jambes, et la tête en l’air, pose ses valises et part en vacances….
Un complet veston qui se tient l’oreille en parlant tout seul, entre d’un pas fracassant en venant du quai. Les portes tremblent à son ombre, cèdent au bruit de sa voix, s’effacent pour lui livrer passage…
Il arpente quelques mètres, hausse le ton, fait une pirouette sur lui-même, revient précipitamment sur ses pas, visiblement en désaccord avec lui-même, et retourne d’où il était venu.
Affolement des portes qui se cabrent nerveusement à son retour, font le gros dos en contenant leur souffrance, encore une fois cèdent au dernier moment…
Ce Monsieur, qui parle seul à son oreille, est important.
Il n’aime pas qu’on lui résiste, il force le pas tout le temps, impose son rythme au temps, et pour paraître plus important, il est là, mais toujours absent, réglant bien sûr des problèmes importants, toujours ailleurs, pas dans le temps présent, anticipant pour gagner du temps, et le temps, c’est d’l’argent !
Il marche hagard, se parlant à lui-même, communicant virtuellement, bien dans l’air du temps…
Il est financier, politique, traite des dossiers importants, se trompe aussi de temps en temps, et sur le quai de gare, glisse sur une peau de banane et se retrouve sur son séant !
Elle tourne en rond sur elle-même, attirée par le jaune, esquisse gracieusement quelques pas de danse devant le distributeur de billets, traverse tout le hall en diagonale pour aller sautiller vers les deux petits points rouges lumineux à l’autre bout, qui lui offrent leurs bras rafraîchissants…
La lumière l’aveugle, elle repart en tournant, retraverse le hall avec la même grâce, s’avance au guichet 2, s’arrête juste un instant et repart en sautant.
Elle est danseuse, elle virevolte et danse tout le temps…
Un composteur grincheux avale un billet en grinçant des dents…
Pas comestible ! le recrache en geignant…
L’homme est parti, autant en emporte le vent !
12 avril 2011 – Nouvelles – Louis Mancy