Un bréviaire taché de sang

L’objet que vous avez trouvé appartenait à quelqu’un. C’est l’objet auquel cette personne tenait le plus au monde.

Racontez l’histoire de cet objet, du pourquoi de son importance pour son propriétaire, et le comment de leur relation.  

Objet tiré au sort : Un bréviaire taché de sang

 C’était son livre de chevet, son bréviaire, son alpha et son oméga, son commencement et sa fin, sa Bible !

Pas une journée sans lui, sans qu’elle y fasse référence ! c’était lui qui régissait sa vie, influait sur toutes ses décisions, infiltrait ses moindres jugements.

Elle ne jurait que par lui.

Jurer, que dis-je ? C’était déjà pécher, et l’occasion de jeter l’anathème !

Ce livre, sur sa table de nuit, ou jamais vraiment loin, elle pouvait vous en parler soir et matin, dans de longues divagations laissant place aux plus libres interprétations…

Enfin, pas vraiment libres !

L’avait-elle seulement lu, ou s’était- elle contentée de répéter ce que, ici ou là, elle avait un jour entendu ?

Quelle lecture en faisait-elle ? dans l’esprit ou dans la lettre ?

Et si ce Dieu d’Amour dont il était question était aussi homme, juste et bon, comment pouvait-il être Dieu s’il n’était pas, dans sa relation, plus grand que l’homme, dans ses réactions ?

Elle vous parlait du Paradis, de l’Amour, du diable et de l’enfer, du baptême et du blasphème, du bien et du mal, de la tentation et du péché, de l’Adoration et de la corruption, de la chair essentiellement, des Justes et des Méchants, et si vous ne partagiez pas d’emblée son premier jugement, elle vous parlait tôt fait du Jugement Dernier !

Elle vous parlait de la Grâce et des grâces, mais personne, même pas les minces, ne trouvait grâce à ses yeux !

Elle vous parlait de faire le bien, voyait le mal partout, et toute sa vie vomit des cruautés sur les autres au nom de la charité, et, sur son livre de chevet, sa Bible, son bréviaire taché d’outrages et de sang, reposaient, inébranlables, toutes ses croyances et sa foi…

Elle avait toujours vécu de certitudes.

Plus forte que les autres, elle en avait une.

Elle n’avait pas été heureuse, en voulait au monde entier, ne pouvait croire qu’en un monde meilleur dans l’au-delà, où elle aurait place de choix…

9 novembre 2010 – Textes courts – Louis Mancy