Vents et Marée (compilation)
Du 17 au 30 mars 2012, se tient à l’espace Mouv’Art rue d’Egleny à Auxerre, une exposition de deux artistes, peintre et plasticienne, sur le thème du Vent et de la Mer.
Elles ont proposé aux écrivants des ateliers Pieds-nus, de rédiger des textes en résonance avec les toiles et les sculptures présentées. Ces textes, qui seront publiés sur ce site une fois l’expo terminée, sont affichés dans le local, entre les oeuvres exposées, et en pages libres, sur un guéridon.
Voici à présent les textes des ateliers 1 et 2 sur ces thèmes du vent et de la mer
Le Vent
Brutalement, le vent s’était levé.
Longuement tapi au ras des dunes, il semblait qu’il eût attendu un signal connu de lui seul pour passer à l’offensive.
Sournoisement, il fit glisser une longue langue de sable à la surface du fleuve, repoussant sur le rivage une vaguelette d’écume blanchâtre.
Prenant enfin son élan, il bifurqua verticalement, empoignant des myriades de grains de silice dont les teintes dorées s’affronteront à l’azur antérieur.
L’épaisseur de ce nuage de sable tentera d’imposer sa nuit.
Le ciel bleu et le désert ocre-jaune, enserrés en étau dans cette double offensive, terrestre et céleste, tenteront vaillamment de résister à l’envahisseur.
Auront-ils la densité nécessaire et suffisante pour sauvegarder leur bleu éclatant et leur douceur ocrée?
13 mars 2012 –Colette Bellanger -Atelier Pieds-Nus
Vagues
Venues de l’horizon lointain
au gré du vent qui les enfante
les vagues portent au loin
les rouges teintes de l’aube.
Leurs crêtes de dentelle ourlées
déferlent sur le sable
et le dorent de perles
rose nacre orangée
que lèche le ressac
en bruissant de plaisir.
13 mars 2012 Denise Pézennec Atelier Pieds-nus
VAGUE
La vague pleure des larmes salées
Sur le sable qui s’ensommeille
Pour un voyage vite recommencé
Au milieu des mille soleils
La vague invente des couleurs
Pour offrir ses secrets marins
A celui qui devient navigateur
Et dévore les frissons du matin
La vague roule son bonheur
Dans les hivers interminables
Pour sa course pleine de froideur
Qui s’éteint doucement sur le sable
La vague sauvage hurle et chante
Et porte tous les reflets dorés
Dans la marée descendante
Qui dépose les rêves colorés
13 mars 2012 – Philippe George – Atelier Pieds-Nus
Renaissance
Sous les ciels gonflés de nuages oppressants,
Les marées d’équinoxe printanières charroyaient,
Sur des crêtes déferlantes, de longues plaintes hauturières.
Au jusant, dans les aubes catarrhales,
Émergeaient d’interminables plaines sablonneuses
Que seules encore, n’avaient pu désertées les praires.
Impétueuse,
Elle marchait pieds nus dans ces immenses vallées,
Bordant ses ailes de soie, s’élançant dans l’air
Hélée par le noroît, flirtant auprès des sternes.
Plus légère à présent,
Elle sautille sur le fil de l’horizon,
Poursuivant les cumulus de beau temps,
Avant de rejaillir, extasiée,
Dans l’écume irisée
De la nouvelle saison.
13 mars 2012- Jean-Michel Kerne – Atelier Pieds-Nus
Marine
Les soirs de fin de semaine, je passe devant la mer et je me désespère.
La plage est laide, le sable en est souillé, les papiers sont collés et collent aux rochers.
Les vêtements oubliés traînent comme les cadavres des rires de la journée.
Les algues accumulées sous l’effet des lisiers dégagent leur sale odeur.
Tout me dégoûte ici mais je reste quand même, heureuse de me trouver des raisons de pleurer.
Et petit à petit, je la vois qui arrive.
Doucement, l’air de rien, elle trace son chemin dans ces amas d’ordures et je vois apparaître des étendues d’eau claire et de plus en plus larges et de plus en plus belles.
Patiente, déterminée, l’eau poursuit son chemin.
Dans quelques heures à peine, elle aura emporté tout ce qui pourrissait, et ma tristesse avec.
13 mars 2012 -Laure Timon- atelier Pieds-Nus
Manu embarque seul et les mains nues sur son bateau.
Il y a une forte brume, il fait froid mais Manu a décidé de ne pas mettre de gants. Il aime sentir filer les drisses entre ses doigts, éprouver le balancement de la houle transmis par la barre.
Pour Manu, c’est à mains nues que doit se livrer le combat. Parfois contre la mer, parfois avec elle, en un duel amoureux…
A côté de lui, il a posé le coffret. Il regarde l’étrave de son voilier fendre la mer. Mais son regard s’évade dans la brume et c’est d’un autre bateau qu’il se met à rêver.
D’un magnifique voilier qui pourrissait depuis des années dans la vase et qu’Eric avait totalement ressuscité. Pen Duick, « petite tête noire » en breton, la mésange boréale. De cet oiseau donné pour mort, Eric avait fait un aigle des mers, en lui laissant son nom d’oiselet fragile.
D’autres voiliers se succédent dans la rêverie de Manu, tous nés de la folie d’Eric. Pen Duick II et son siège de Harley Davidson, PenDuick III et son étrave à guibre, gréé en goélette, et Pen duick IV, le trimaran le plus rapide de son temps, mais aussi le plus laid. Certains l’appelaient la pieuvre d’aluminium et c’est bien de cela qu’il avait l’air. Dépourvu de toute peinture, araignée de métal brut sur la dentelle de l’écume. Comment un tel affront à l’esthétique avait-il pu se montrer si léger et impérial sur tous les océans ?
Un jour, Alain avait racheté ce monstre métallique à son maître Eric, et s’était juré d’en faire le plus beau bateau du monde, puis de l’emmener jusqu’au cap Horn, le tant redouté. Il lui avait donné un nouveau corps et un nouveau souffle, changeant les mats et le gréement, le garnissant de déflecteurs, perfectionnant et solidifiant la ligne de son carénage. Et surtout lui offrant des couleurs, le bleu de la mer et le blanc de la glace.
Il lui avait aussi donné un nouveau nom. Pen Duick était devenu Manuréva, « l’oiseau du voyage » en tahitien. Avec Alain, le Manuréva avait été le premier multicoque à franchir les trois caps: Bonne Espérance, Leuwin et Horn.
Manu navigue ainsi trois jours, la tête dans un autre voyage et sur d’autres bateaux, avec Eric et Alain dont l’amitié était sans bornes, comme seule peut-l’être une amitié de marin.
Les périodes de veille et de sommeil se succèdent sans vraiment se distinguer.
Soudain, après trois jours,comme si un signal avait été donné Manu se lève et ramène les voiles. De ses mains toujours nues il fixe les drisses aux taquets, et stoppe. Une intuition lui murmure que c’est ici que l’oiseau du voyage avait terminé son vol. Mais peut-être est-ce à mille milles.
Très lentement, avec cérémonie, Manu ouvre le coffret, rempli de myosotis. Il y plonge la main et laisse la brise disperser des poignées de fleurs à la surface de la mer. Il les regarde longtemps se mêler à l’écume avant de disparaître. Après avoir dit un dernier adieu, il renvoie la voilure et remet le cap sur le Portugal.
Son modeste voilier resterait à jamais le Recuerdo. On ne change pas le nom d’un bateau, ça porte malheur.
Alain Colas, né à Clamecy en 1943 a disparu le 16 novembre 1978, lors de la première route du Rhum, sur son bateau le Pen Duick IV, rebaptisé Manuréva.
Vingt ans plus tard , à 66 ans, son maître Eric Tabarly est tombé à l’eau et s’est noyé, comme un vulgaire touriste, alors qu’il convoyait vers l’Ecosse le voilier de son enfance, le Pen Duick, premier du nom, pour y fêter son centenaire. Pourquoi ne s’était-il pas attaché au bateau, comme à l’accoutumée ?
Tous ces bateaux dont Manu rêva.
Jean Marie Tremblay – Atelier Pieds-Nus
Le premier bain de l’été
C’est le premier bain de l’été.
Tu t’es allongée sur le sable mouillé
Comme une sirène épuisée.
Je viens goûter ta peau sur laquelle
Le vent a fait des taches de sel.
Le bruit des rouleaux qui s’écrasent tout près
Couvre les cris des enfants joyeux.
Voici venir le marchand de beignets
Zut j’ai mis du gras sur mes feuillets.
La marée monte, nos sandales sont mouillées
Et le château de sable s’est effondré.
C’est le premier bain de l’été.
13 mars 2012 – Didier Laurens – Atelier Pieds-Nus
Appel du large
Ma mer se déchaîne
Plein milieu de la nuit,
Le vent tabasse au loin
Et fait voler le store,
Soulevé ballotté
Très fort.
La mer me déchaîne
De ma nocturne trêve,
De mon léger sommeil,
Me sort de mon fragile port
Et m’emporte à l’effort
Salutaire de dire
Écrire
Et dire encore…
La mer brise mes chaînes.
Homme, qui es-tu
Sur cette terre ?
Perdu, si petit
Au milieu des éléments
Naturels en folie
Qui, cette nuit, hurlent, se déchirent,
Gémissent, s’enhardissent,
Qui se gonflent, qui effrayent,
Se soulèvent et tout balayent…
Lames de fond premières,
Insondables mystères,
Venues du fond des temps,
Qui se jouent un instant
De ta destinée !
Pêcheurs perdus en mer
Humble vaillance au cœur
Et la peur au-dedans…
Et moi derrière la vitre,
Minuscule grain de sable,
J’écoute, fasciné, captif,
L’assourdissant spectacle…
Et dans sa course altière
Sur ses chevaux d’argent,
La mer écume et souffle,
Crie son amour au vent
Qu’elle enlace et enroule
Dans ses bras de géant,
Dans une étreinte extrême,
Où sa crinière blanche
Se soulève,
Voltige,
Explose et s’extasie
Dans les bras de l’amant.
Femme qui dors encore,
Qui détiens les secrets
De la vie et de l’homme
En ton sein,
Alchimie puissante en ton corps,
Qui jour à jour s’élabore
Et palpite, me façonne…
Femme, viens me rejoindre,
Et défiant la nuit des temps,
Aussi vrai que sans toi
Je ne suis rien,
Viens, viens m’apprendre
Au petit jour
Ainsi l’amour !
Encore, encore, et encore !
13 mars 2012 – Louis Mancy- Atelier Pieds-Nus
La vague bleue
Le soleil printemps
Illumine la dune
Les vagues dessinent
Une écume blanche
Des gifles de vent
Claquent sèchement
Des voiles se dressent
Des mâts se penchent
Devenir coque de bateau
Avec des ailes d’oiseau
Peindre l’ultime vague
Pour la garder vivante
Mélanger les couleurs
De vent et d’océan
Chercher la vague bleue
Celle qui n’existe pas
10 mars 2012 – Philippe George – Ateliers Pieds-Nus
La Mer
La mer est une coquette qui toujours se dérobe
Froufroutante d’embruns aux dentelles salées
Elle danse les marées et son jupon fendu
En emporte l’écume et les velours mousseux.
Elle sait puiser sans fin dans ses coffrets précieux
La nacre et le corail qui soulignent son teint
Effleurant de mille vagues l’or de ses fonds sableux
Elle dépose en offrande aux rivages frissonnants
Algues et coquillages comme des grains de beauté.
Se croyant sans rivale, elle se laisse naviguer
Faisant croire au bateau qu’il est son bien aimé
Mais quand arrive la pluie, elle se met en colère
S’étrangle en tourbillons, s’égratigne aux écueils
Et le marin noyé, ravalant même ses larmes
N’a plus que son courage à offrir en partage
À la fluide diablesse dont dépend son destin
mars 2012 -Nelly Radigois – Atelier Pieds-Nus
Je plonge dans ton bleu
Je plonge dans ton bleu,
Dans les yeux de mon amoureux, je plonge aussi,
Mais là, quand je plonge, ça éclabousse.
Lui me prend par la bouche,
Toi, tu m’attrapes par le pied,
Je marche vers ton sable où tu donnes souvent rendez-vous
La première fois.
J’ai la vague aux pieds,
Je ne vais pas attendre la marée pour me submerger,
Un quart de tour suffit pour saisir ta limite,
Où ta couleur devient ligne,
Où ton bleu trace l’horizon.
Plus haut, un ciel orange te fait de l’effet,
Tu bouillonnes et en perds tes nuances.
À tant remuer, te voilà sertie d’écume.
Blanc laiteux qui danse entre mes doigts.
Je nage dans ton ventre,
Je pénètre ton fluide, j’aime ton bleu,
Presque autant que celui de mon amoureux.
13 mars 2012 -Marie Claude Contrault – Atelier Pieds-Nus
Indigo
Contre vents et marées
De nos corps arcs-en-ciel
La douceur apaisée
De ton grain sable miel
13 mars 2012 – Louis Mancy- Atelier Pieds-Nus
lien pour l’exposition : INVIT LONGUEUR