Chanson (noire) de marin
En imaginant l’ accompagnement d’un accordéon diatonique…
La mer cet hiver s’est pintée Tous les oiseaux sont mazoutés.
La mer est grise de porter
tant de vieux rafiots fatigués
des pavillons de complaisance
ça touche même à l’indécence.
La mer est verte de colère
elle en appelle aux courants d’air
le vent excite sa détresse
creuse ses lames sans tendresse.
Souffre la mer. Rage et tempête.
Secoue plus fort les chalutiers
de peur au port ils vont rentrer.
Mais…vois venir ce pétrolier,,,
Elle ne le laisse pas passer
à celui-là elle fait sa fête
pour tous les autres il va trinquer.
Elle le bouscule le tarabuste
comme au bon temps de la flibuste
il n’a pas de mâts à casser
mais des flancs lourds à éventrer.
Elle le fait à coups de boutoirs.
Sur ses chevaux d’écume noirs
la mer soudain folle caracole
elle se soûle de pétrole
touche le fond du désespoir.
La mer cet hiver s’est pintée tous les oiseaux sont mazoutés.
La mer est malade à crever
elle vomit toutes ses îles
toutes les plages sont souillées
de ce dégueulis imbécile
poison gluant fange de mort
il n’y a plus de paix au port.
La mer cet hiver s’est vengée
des hommes qui lui font porter
tant de vieux rafiots fatigués
au mépris de tous les dangers.
Depuis la Terre a mal au cœur
elle éructe et tangue et chavire
par tous ses pores elle transpire
en grosses gouttes
des tonnes des tonnes de mazout.
La mer a pris une mufflée
qui ne peut que laisser des traces.
La mémoire avec le temps passe
hélas
et dans trop peu trop peu d’années
on pourra de nouveau chanter
comme on le fait chez les marins
en chœur et triste mélopée
ce refrain
La mer cet hiver s’est pintée Tous les oiseaux sont mazoutés.
14 mars 2012 – Poésie – Denise Pezennec