Il y avait une petite fois pendant la canicule…

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07 / 02 / 2012
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INCIPIT « Il y avait une petite fois pendant la canicule, un type qui était assis devant une fenêtre ouverte. (Le procès verbal ..J.M,LE CLEZIO)
(Je l’appellerai:MEC )

La chemise de MEC, échancrée sur sa poitrine bronzée, était si blanche
qu’elle eût pu servir de modèle à la plus ringarde des pubs télévisées sur la qualité
des lessives .En fait,elle avait été lavée ,frottée, brossée sur la pierre du lavoir par sa
vieille mère, réticente à l’emploi de techniques nouvelles dés qu’on abordait le chapitre  »
entretien des textiles nobles ».Or la chemise de MEC avait été taillée dans un pur coton
d’une grande souplesse venu tout droit des USA.
MEC revit sa maman ,sa silhouette fatiguée,ses cheveux gris tombant en
mèches raides sur ses rides creuses. Il l’imagina, un instant, sur la paille
de l’agenouilloir en bois, les avant-bras et les mains rougis par l’eau glacée de la source,
les doigts crispés sur le manche du battoir. A cette évocation, MEC sentit une crispation
rapide se répercuter dand son torse d’encore jeune premier; une larme pointa au coin de
son oeil gauche qui descendit lentement jusque dans son poil frisé où elle se perdit à la
fois fraîche et sensuelle.
SA MERE ! Penchée sur l’enfant qui sanglotait, hoquetait,malheureux du départ
soudain de son père, mari brutal , ivrogne notoire, elle inventait mille mensonges à la
gloire de celui dont elle voulait qu’il garde un souvenir plus beau que vrai .
SA MERE ! Elle avait tout osé pour lui offrir une vie digne, respectable, voire gaie
et insouciante, Elle avait supporté les regards méchants, les critiques, les sous-entendus
les plus cruels . Elle lui avait offert des « oncles » riches et peu scrupuleux. Ils
avaient su le pousser,adolescent docile, dans le monde des affaires. Devenu la
coqueluche de la pègre marseillaise, il régnait sur elle, désormais , sans conteste.
SA MERE !petite femme de noir vêtue, toujours à ses côtés, discrète autant qu ‘
avisée…Elle n »était plus là, ce soir, La canicule avait accompli son œuvre destructrice. La
fenêtre devant laquelle MEC rêvait s’ouvrait sur le cimetière San Marin où, dans l’après-
midi, MEC avait couché le corps las et frêle.
MEC se pencha un peu en quête d’un air qui ne fraîchissait pas. Il se sentit
soudain comme enserré dans des liens rigides qui comprimaient son souffle ; il ouvrit
grand la bouche sur une aspiration difficile; une douleur zébra son torse, descendit le
long de son bras gauche. Il haletait…maman…maman….sans qu’aucun son ne sortît. Il
se crispa, sa bouche se tordit, ses mains se refermèrent sur le plastron de sa chemise si
blanche, déchirèrent le fin coton immaculé, arrachèrent les boutons…De l’air…de l’air…de
l’air…MEC, effrayé, pâle, les yeux exorbités, comprit que sa maman chérie le tirait à
elle ,une fois de plus , une fois de trop, la dernière.

3 janvier 2012 – Textes courts – Denise Pezennec

 

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