Il y avait une petite fois…

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04 / 01 / 2012
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Il y avait une petite fois pendant la canicule, un type qui était assis devant une fenêtre ouverte’’. Un homme pas encore vieux dans un cadre de bois. Une peinture presque morte au bord de la mer. Une nature morte. La chaleur peu ordinaire dans ce pays aride ne semblait pas le perturber. Pas un mouvement, comme si la lourdeur de l’air le paralysait. Des gouttes de sueur grasse glissaient laborieusement entre les rides épaisses comme des ruisseaux sauvages. C’était un type ordinaire avec des yeux délavés peu ordinaires. L’océan les avait longuement lavés et le soleil nouveau si fort semblait les griller définitivement. L’homme paraissait figé comme une statue, devant les vagues languissantes et fatiguées par cette torpeur inhabituelle et assommante. Ses lèvres minces étaient collées par le sel, donnant à son visage étrange l’aspect d’un masque, parsemé de taches brunâtres étalées comme des presqu’îles improbables. Son étrange immobilité l’associait irrémédiablement au granit de la vieille bâtisse et il en devenait incrusté.

Il y avait une grande fois pendant l’hiver, un type qui regardait la mer et qui attendait le fils.

Le temps avait dégouliné si lentement. Avec les tempêtes et les mauvais vents, avec les grandes marées implacables, avec les équinoxes insaisissables, avec les autres bateaux qui naviguaient encore. Le sable avait bougé, les mouettes s’étaient envolées, les dunes s’étaient écroulées, les vagues avaient vomi.

Il y avait une petite fois pendant la canicule, un type qui séchait ses dernières larmes sous le soleil brûlant. Il n’avait rien à dire, rien à faire, rien à montrer, rien à exprimer. Il devait survivre au vent, à la pluie, à la canicule, aux froidures d’hiver.

Immobile face à la mer, immobile face au vide, immobile face à la douleur, il ne vivait même plus de petites fois, car une seule grande fois avait suffit pour que l’océan avale le fils.

Et il avait eu si froid…….

03 janvier 2012 – textes courts – Philippe George

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