Sylvie et les Extraterrestres (4)

post details top
15 / 11 / 2011
post details top

Cette odeur, elle la reconnaissait sans l’avoir pourtant jamais sentie. Tout à coup elle comprenait pourquoi elle était si obnubilée depuis quelque temps par la perception d’une odeur, de cette odeur étrange, et pourquoi c’était la première idée qui lui était venue quand il avait fallu improviser le début d’un texte lors du weekend d’écriture. Cette odeur elle était certaine de ne pas la connaître, mais c’était comme si elle avait été inscrite génétiquement en elle, comme si elle faisait partie de son patrimoine. Et cette odeur l’attirait de façon irrésistible vers sa source, là dans ce verger où des fruits extraordinaires pendaient comme des boules de Noël, comme dans un jardin de l’Eden, et elle se sentait comme une Eve attirée par un Malin, mais il n’y avait pas d’Adam, il n’y avait que cet engin fuselé qu’elle apercevait maintenant entre les feuillages, faiblement éclairé et émettant un très discret chuintement. La voix douce qui l’avait attirée quand elle était encore sur le trottoir l’invitait de nouveau.

SYLVIE, N’AIT PAS PEUR, ENTRE, JE SUIS TON AMI ELECTRON

S’approchant encore, écartant avec peine les branches prodigieusement chargées , elle aperçut, non pas un serpent, mais un ovale scintillant comme un énorme ballon de rugby en acier inoxydable, et à sa base une ouverture rectangulaire de la taille d’une porte étroite, d’où parvenait une douce lueur bleue . Une rampe métallique en pente douce reposant sur l’herbe permettait d’y accéder. L’odeur était de plus en plus entêtante. Sylvie était maintenant comme portée par l’effluve qui se répandait dans le quartier et ne pouvait plus résister à cette force incroyable qui avait annihilé en elle toute frayeur. Elle grimpa avec précaution sur le plan incliné tout en interrogeant : c’est donc toi 312 ? Tu es venu me chercher ? Mais tu sais je ne peux pas partir, ou il alors il faut que je prévienne ma sœur et aussi Jean-Claude, je ne peux tout de même pas abandonner ma famille et mon travail comme ça. Et l’atelier, aussi, j’avais promis d’amener une pizza la prochaine fois et en plus c’était moi qui devait faire la lecture. Et puis après tout on ne se connaît pas vraiment, je trouve que c’est difficile de passer du virtuel à la réalité, tu sais. Mais tous les arguments de Sylvie paraissaient dérisoires et Electron commençait à s’énerver. Allons entre et ne fait pas d’histoires, après tout c’est toi qui nous a appelé, non ? C’est bien toi qui nous a demandé de t’aider pour la rédaction de tes textes et nous avions bien dicté nos conditions n’est-ce pas? Et tu étais d’accord? Sylvie se rappelait effectivement bien le contrat qu’elle avait conclu avec ces gens mais elle ne s’était pas rendue compte de la gravité de son engagement, et puis ce Spok était tellement séduisant! Elle pénétra dans l’engin, le halo bleu l’engloutit, l’ouverture de la porte s’escamota sans heurt. En un clin d’œil, l’astronef décolla dans un sifflement et se perdit dans l’espace.

Lorsque Jean-Claude arriva tout essouflé devant la grille du jardin -il avait suivi discrètement Sylvie , il lui avait trouvé un comportement étrange ce soir-là, au moment de la raccompagner comme d’habitude, elle avait refusé poliment mais fermement- et il avait couru, mais ne la voyant plus il s’était arrêté et il perçut une odeur étrange qui s’évanouissait petit à petit. Il se dit avec soulagement qu’il valait mieux que cette odeur ne se répande pas dans la ville. Levant les yeux vers le ciel, inquiet, il eut l’impression de voir une étoile supplémentaire qu’il ne connaissait pas.

15 novembre 2011 – nouvelles- Didier Laurens

 

 

Laissez un commentaire

Rechercher