L’île du petit mouillé

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28 / 10 / 2011
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La carcasse toute rouillée flotte au milieu de l’étang, sur l’île du petit mouillé. Plus de vingt ans qu’il n’a plus navigué, ni roulé sous les embruns, ni qu’un matelot n’y a repeint les écoutilles. Le mécanicien ne descend plus dans la salle des machines et le capitaine n’emprunte plus que les escaliers en colimaçon en pierre blanche de son manoir.

Est-ce une sirène nostalgique qui s’est échouée dans l’épave ? Dans sa partie droite, entre les tôles jadis rebattues par les tempêtes, il y a comme une voix de soprano énervée, qui fait couiner les plaques métalliques. Sur l’arrière, les portes grincent dans un vacarme aussi douloureux que lorsque l’enfant bossu du capitaine s’occupe à arracher les ailes des serins, ramenés par son père.

Mais, tout à coup, le vent tombe et le silence s’abat sur l’île du petit mouillé. En haut du manoir, derrière le rideau d’une fenêtre, une ombre semble épier l’épave. L’ombre, anémiée, sort, en portant une caisse de poches de sang vidées, qu’elle place dans coffre de son van à côté de la caisse de vieux whiskys. En rentrant chez lui, le capitaine Titanesque se prosterne devant le cimetière de ces instruments de musique, en pensant à l’équipage… Le concert ne s’était jamais achevé. La traversée, non plus. Désormais, le grand portail est fermé, seul le portillon reste entr’ouvert.

25/10/2011 – ludotextes– Jean-Michel KERNE 

 

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