Mémoire équestre

Nous étions quatre : Sultan, Tsar, Prince et moi, Président. Quand j’ai vu arriver ce personnage vers la diligence, je me suis d’abord réjoui d’être obscurci par mes œillères, car, par le reflet du soleil, toute la ferraille qu’il portait sur lui nous éblouissait à chacun de ces mouvements. Cependant, je regrettais de ne point avoir d’écouteurs, à cause du tintamarre provoqué par les claquements des fers les uns sur les autres. En outre, quand il nous hurla dessus dès son arrivée, je pensai qu’il ne devait pas souvent murmurer à l’oreille des femmes.

Pour autant, la première fantaisie qu’il proposa, nous parut d’un bon aloi : en effet, il fit hisser à l’intérieur de la diligence Prince et Sultan, et moi et Tsar sur le toit, alors que tous les voyageurs durent tirer en ahanant toute la première montée du col.

De mémoire de cheval, je n’avais encore jamais connu d’anthropomobile. Tsar me suggéra l’idée d’organiser des courses sur l’anthropodrome de Vincennes. La suite, malheureusement, fut moins agréable.

Le voyageur nous attela d’abord avec des élastiques, deux par deux. Lorsque ces lanières furent parvenues au bout de leur élasticité, nous nous arrêtâmes puisque le cocher avait lâché les rênes trop courtes sans élasticité, tandis que la diligence commença à avancer, mue par la tension de nos lanières. Alors, quand nous entendîmes la diligence arriver sur nous à grande vitesse, nous détalâmes sans états d’âme, mais en tous sens, en absence d’âme secourables, et là j’ai perdu mes sens et mon âme…

Lorsque j’ai repris mes sens, la troisième étape allait commencer.

Nous étions encore attachés avec les élastiques, deux par deux, mais deux à l’avant et deux à l’arrière.

Au début, Tsar et moi, à l’arrière, avons trouvé cela reposant. Prince et Sultan tirèrent tandis que nous restâmes sur place. Quand la diligence avança, nous nous étions endormis et je me suis réveillé quasi étranglé…

Puis, la … quat…rième é-tape !!!

Presque pareil que la troisième, sauf que nous avions été attaché, moi et Tsar dans le sens inverse…

Imaginez-vous : une diligence dont deux chevaux tirent à l’ouest et deux autres à l’est pendant que le cocher crie à hue et à dia !!! …

Oui, les automobiles peuvent faire de la marche arrière… Non, pas les hippomobiles… Alors, j’ai préféré oublié tout le reste !!!

Mais, quand vous mangerez du cheval aux haricots rouges, j’espère que vous vous souviendrez du sens du mot hippomobile !

 Jean-Michel « Hip hip hip » (01/02/2011) – Textes courts –