Je suis le roi de ces îles

Jean-Michel KERNE (04/01/2011) – Textes brefs –

« Je suis le roi de ces îles, le monarque impitoyable d’un peuple d’iguanes et de manchots » : ce titre de ma première rédaction de quatrième, lorsque j’étais interne au collège, m’avait coûté ma première heure de colle. Ah, maudit internat ! Je m’en évadai dès que le surveillant avait tourné les talons. Alors, en pleine nuit, j’escaladai la grille du collège puis celle du château voisin. Une nuit, je montais tout en haut du beffroi et aperçus au loin les premières lignes autrichiennes. Mais au fur et à mesure que je gravissais les marches, je voyais ces lignes plus distinctement et je découvrais alors les lignes mozartiennes que notre professeur de musique avait déposées là par insouciance. Découvrir les sonorités mozartiennes sur le piano-forte en haut de ce beffroi m’avait encore coûté dix jours de renvoi, avant les prochaines vacances d’été.

Pendant celles-ci, je voulais voir Byzance et Chandernagor, ce fût Issoudun et Vitry : Issoudun, car mon oncle Valentin, qui fabriquait depuis peu des sacs à main, voulait en offrir un à ma mère et à ma grand-mère. Ce qui fit que nous avions amené ensuite mes grands-parents à Vitry. Pour prolonger mes vacances, je m’enfuyais. En arrivant à la gare de Villeneuve, je montais dans le dernier wagon, c’était celui des porcs juste châtrés. Malgré l’odeur pestilentielle, je m’écroulais de fatigue et me mettais à ronfler comme mes voisins. Tout à coup, un de ces quadrupèdes me faisait face : «  Je vais te niquer, gueula-t-il en se levant, mais j’étais déjà hors d’atteinte, puisque les portes du wagon qui venaient de s’ouvrir m’avaient extirpé de cet affreux cauchemar.

Jean-Michel KERNE (04/01/2011) – Textes brefs –