Thriller ferroviaire
Le fracas des roues métalliques sur les rails est assourdissant. Un courant d’air puissant envahit le compartiment, plaquant le boubou de l’Africain contre ses jambes. Les poils du chat sont dressés. C’est le nain qui réagit le premier, cessant de se tordre les mains entre les jambes. Malgré sa petite taille, en s’agrippant à une poignée il parvient à atteindre le loquet de la porte ouverte et à la refermer.
Chacun se regarde. « Qui a crié ? » demande la femme. Le vieil homme, toujours aussi essoufflé, fait signe que pour lui tout va bien. L’ado n’a, semble-t-il rien remarqué, toujours dissimulé sous son capuchon, les écouteurs vissés sur les oreilles. Les jeunes filles se regardent avec des yeux agrandis, puis l’une d’elle tend le doigt pour désigner la place qui était la mienne.
À ma place, un feuillet que la femme prend avec circonspection. Elle le lit et semble ne pas comprendre. « Qu’est-ce qu’il y a d’écrit ? » demande le nain. Et chacun, y compris l’ado enfin sorti de son monde, de l’écouter avec une attention extrême lorsqu’elle lit tout haut :
Vous voyagez dans le compartiment d’un wagon de chemin de fer de type ancien. Avec vous sont assis : un vieil homme taciturne qui cherche son souffle, un nain qui sans cesse tord ses mains entre ses jambes, une longue femme sèche avec sur les genoux un chat dans un panier, deux jeunes filles qui, face à face, chuchotent et pouffent, un ado avec capuchon et écouteurs, un Africain en boubou.
Le train traverse un tunnel, sans que la lumière du wagon ne s’allume. Un cri retentit dans le compartiment. Au sortir du tunnel, la porte du wagon donnant sur la voie est ouverte, une des personnes a disparu et quelqu’un (ou quelque-chose) l’a remplacée. Racontez.
J’étais le narrateur de cette histoire, je l’ai racontée, puis ai quitté ce train en marche pour sauter dans un autre, une autre histoire. À partir de cet instant, votre existence peut sembler sans avenir. Choisissez de disparaître dans l’oubli ou de continuer éternellement ce voyage.
« Trop fort ! lance l’ado. No future ! »
01 novembre 2011 – Ludotextes – Jean Marie Tremblay