Il peinait…
Logorallye
Il peinait, son souffle était court et bien longue la côte pour monter au village. Il était à un cheveu de balancer le vélo dans le fossé. Quel démon lui avait soufflé qu’on ne porte pas de manteau sur une bicyclette ? Il pelait de froid. Même l’effort ne parvenait à le réchauffer. Bien au contraire, il sentait la sueur glisser sur son échine comme un filet glacé. Pourquoi s’était-il porté volontaire pour aller chercher les croissants au village ? il était encore temps de rebrousser chemin et de prétendre que la boulangerie était fermée. Le brouillard qui tombait lui donnait l’impression que la route ne le mènerait nulle part. Plus il avançait, plus le clocher de l’église semblait disparaître. Mais il n’avait pas fait tout ce chemin pour rien. Existait-il dans les campagnes une ambassade pour abriter les Parisiens fanfarons ? Ils en avaient tous plein la bouche des « T’es pas cap’ ? » Et lui, bête à pisser contre un réverbère, il avait dit : « Ben si, cap’ ». Au lieu de simplement refuser. Mais non ! Et le village qui paraissait s’éloigner davantage. Il allait poser pied à terre quand une voix rocailleuse l’interpela : « Dis donc, petit, tu vas au village ? Tu veux t’y mettre le vélo dans la remorque ? On ira s’en jeter un derrière la cravate. » Sauvé. Il allait se réchauffer avec un cognac ou deux, acheter les croissants et descendre en zigzagant cette foutue côte.
05 février 2019 – Ludotextes – Marianne