l’Ambassade
Logorallye : cheveu, manteau, volontaire, temps, brouillard, ambassade, bouche, réverbère, refuse.
Il peinait, son souffle était court, et bien longue la côte pour monter au village.
Il tirait, poussait, traînait sa carriole, à un cheveu parfois de repartir en arrière et de dévaler jusqu’en bas. Il avait enlevé son manteau pour se donner un peu d’air, mais cela n’avait pas suffi et, dans un geste volontaire, il avait aussi tombé la chemise pour se retrouver en marcel. Comme à chaque fois, et c’est pour cela qu’on l’appelait Marcel, au village, depuis le temps qu’on le voyait sortir du brouillard de la vallée, tous les mardis, avec sa charrette à bras.
Il s’arrêtait toujours devant l’Ambassade, le café du bourg, ainsi nommé parce qu’on y discutait sans fin, à bouche que veux-tu.
Là, au pied du réverbère éteint depuis son installation, le gaz n’étant pas parvenu jusque là, il commençait son baratin.
« Je refuse la société de consommation. Je refuse les arguments bien-pensants, les nitrates, le réchauffement… Je refuse, je refuse, je refuse… »
À l’Ambassade, on le laissait parler jusqu’au soir, on avait l’habitude, du Marcel.
05 mars 2019 – ludotextes – Jean Marie Tremblay
En mémoire d’André Dupont, dit Aguigui Mouna, grand harangueur libertaire (1911-1999).