Etrange bohème…

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05 / 02 / 2018
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Consigne :  extraits d’un journal de voyage « sur les traces d’Arthur Rimbaud » avec sac à dos et pataugas et un(e) participant(e) de l’atelier par tirage au sort.

Bientôt je m’en irais les mains dans mes poches crevées, à mes pieds, mes bonnes vieilles pataugas avec, comme seul bagage, mon sac à dos que j’avais fait le plus léger possible tout en ayant réussi à caser « le bateau ivre » qui était de circonstance.

Jean-Claude, mon ami de plume, poète et adepte du chemin de Compostelle, m’avait proposé, un mois auparavant, de partir sur les traces d’Arthur Rimbaud jusqu’à Charleville Mézières, ce que j’avais accepté immédiatement et avec une grande joie !

J’étais donc sur le départ, toute excitée par la perspective de cette aventure. J’allais cheminer des jours durant avec comme destination finale, la ville où était né un des poètes qui avait bercé mon adolescence. J’étais projetée 40 ans en arrière avec la route, la poésie, les pataugas et le sac à dos…

J’étais fin prête lorsque Jean-Claude arriva. Avec lui s’évapora ma légère appréhension, à savoir si j’allais tenir le coup sur la longueur. Je savais que ce périple ne serait pas un marathon mais une véritable ode à la Nature, une rencontre avec l’autre, avec soi et parlerait de poésie…

Je quittais donc mon chez moi et mes deux minous, le cœur léger et les jambes alertes ! Les trois premiers jours me virent presque déchanter, je n’avais plus 20 ans, ni même 40, c’était une évidence ! La bienveillance et la bonne humeur de Jean-Claude ainsi que nos soirées d’échanges devant un verre de vin où la poésie et la musique avaient une place prépondérante, m’aidèrent à dépasser cette première étape, celle de me remettre le pied à l’étrier.

Les jours qui suivirent ne furent que bonheur, ponctués de rencontres, de rires, de communion avec la Nature… Nous faisions corps avec l’Univers… Les étoiles, la lune, le soleil se levaient, se couchaient, scintillaient et nous, nous marchions, dormions, rêvassions… Nous retrouvions le bonheur à l’état pur.

Nous étions près du but et traversions une forêt lorsqu’un orage éclata, violent, les éclairs zébraient le ciel, le tonnerre nous fit sursauter et la foudre s’abattit tout net sur un gros sapin qui nous barra le chemin.

J’étais terrifiée et tremblais de froid, de peur. Je regardais Jean-Claude, il était blême, des gouttes de sueur perlaient à son front, aucun son ne sortait de sa bouche avant qu’il ne s’écroula dans un bruit sourd sur un tapis de mousse qui , heureusement, amorti sa chute.

Mon cri raisonna dans la forêt, à réveiller les chouettes effraie. Je me penchais sur Jean-Claude qui reprenait ses esprits et vis du sang couler sur sa cuisse droite sans discontinuer, un morceau de branche planté, sortait de la plaie ouverte. Il me fallait agir vite ! Après lui avoir donné les premiers secours, je lui tapotais les joues afin qu’il resta éveillé. Il ne ressentait aucune douleur et d’un sourire, essaya de me rassurer.

Le flux s’étant arrêté, j’en profitais pour aller chercher de l’aide. Je repérais l’endroit avant de m’éloigner. A peine avais-je fait 500 mètres, que je vis une cabane où brillait une petite lueur jaunâtre. Je m’avança doucement et regarda par le minuscule carreau. Ce que j’aperçus me sidéra. Je me reculais d’un bond et me retrouvais les fesses à terre dans un bruissement de feuilles qui fit sortir la créature échevelée.

« – Qui va là ?  » éructa-t-elle

Me relevant, je lui fis face, ne montrant ni ma surprise ni mon dégoût et lui répondis, la parole hachée :

« – mon ami est blessé… du sang partout… un gros sapin… tombé… la foudre… venez vite ! »

Elle, d’une voix tranquille, presque douce, en inéquation avec son visage hideux.

« – Calmez-vous, je vais vous suivre, le temps de prendre quelques potions. » A peine sa phrase terminée, elle se trouvait à mes côtés.

« – Je vous suis » me lança-t-elle. Sa voix avait quelque chose de rassurant tout comme ce qui émanait d’elle.

J’espérais que Jean-Claude tienne le coup, même de cela, j’étais certaine. Cette femme me faisait l’effet d’une magicienne. A coup sûr, Jean-Claude me demanderait d’où je la sortais !

Nous arrivâmes près de lui. Ses yeux interrogateurs me donnèrent raison. Elle s’agenouilla du côté de sa blessure et y vida une petite fiole, puis une seconde et enfin une poudre scintillante. Jean-Claude avait son regard planté dans celui de la magicienne qui, au fur et à mesure de son intensité, se transformait. Son visage difforme devint gracieux, souligné de traits fins et délicats que deux yeux vert émeraude éclairaient. Dans le même temps, la plaie de Jean-Claude, libérée du morceau de branche et recouverte de poudre magique, se refermait. Pour sûr, il y avait du surnaturel là-dessous… J’étais en plein conte de fée et manifestement de trop…

Non loin de notre destination, je décidai de m’y rendre seule. Je fis un petit signe à Jean-Claude auquel il répondit par un clin d’œil et m’éclipsai, heureuse de me dire que tout était qui finissait bien et que d’autres aventures m’attendaient…

31 janvier 2018 – Textes courts – Betty Lefebvre

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