J’ai eu une vie bien remplie
Autobiographie imaginaire (consigne de Gabrielle)
Je suis un rescapé de la guerre des tranchées…
Quatre ans d’horreur. J’ai survécu.
Là où tant d’autres sont tombés. Sous les obus, les balles, le froid, la faim…
J’échangeais mon tabac contre du lard à ceux qui ne l’aimaient pas. L’estomac mieux rempli, je résistais plus au froid, à la maladie.
Pour le reste, question de chance et de hasard plus que d’intelligence ou de bravoure !
Je suis né au cœur de la France, dans un petit village de quelques dizaines d’habitants, il y a maintenant bien longtemps.
J’ai perdu jeune mon père, puis ma mère.
Mon frère aîné a bien réussi. Il est entré dans la gendarmerie et y a fait toute sa carrière.
Je suis paysan. J’ai toujours cultivé la terre.
Au retour de la guerre, j’ai rencontré Louise, du village voisin. Une brave fille de l’Assistance Publique.
Quelques années plus tard, nous nous sommes mariés et nous avons eu une fille.
Nous sommes partis travailler plus loin, jardinier et gardien chez Monsieur le Comte, et ma femme faisait le ménage.
Le châtelain était une bonne personne et nous sommes restés à son service jusqu’à sa mort où le château se vendit.
Nous sommes alors allés à la ville, où, avec nos économies, nous avons pu acheter une petite terre et nous installer, à la périphérie.
J’étais veilleur de nuit à la Fromagerie. La journée, je faisais le jardin, et tous les jeudis, avec ma charrette à bras bien remplie, je descendais dès l’aube au marché, à deux kilomètres.
J’ai fait ça le reste de ma vie. Je n’étais pas malheureux.
Je n’ai jamais eu de problèmes. A part la nuit où, à la fin de l’autre guerre, cinq voleurs sont entrés, cagoulés, dans la maison, m’ont attaché au râtelier vers les moutons, pointant une fourche sous mon cou. J’ai cru ma dernière heure arrivée.
On ne les a jamais retrouvés.
J’aime le contact avec la terre. Ça me reposait de l’usine, tous ces camions qui partaient…
J’ai quatre petits enfants, bien élevés et bien soignés. Mon petit-fils aime bien aller avec moi au jardin, soigner les lapins et m’aider à rentrer les moutons.
Il dit qu’il veut m’aider, alors je lui ai préparé un petit carré où il sème des salades et des haricots.
J’ai quatre vint huit ans. Je ne me suis jamais arrêté
J’ai eu une vie bien remplie
Alors, maintenant que je ne peux plus marcher, il n’y en a plus pour très longtemps. Je le sens bien, mais ce n’est pas nécessaire de le dire aux enfants…
25 octobre 2016 – Textes courts – Louis Mancy