Le testament de Madame Yvonne
Le testament de Madame Yvonne
La pluie violentait les volets lilas de Madame Yvonne. Ce qu’elle voyait ce soir là par la lucarne de son appartement haussmannien s’accordait parfaitement avec son humeur froide et mélancolique du moment. Le bruit du vent remplissait sa solitude, le tonnerre donnait à cet instant un ton grave qui la confortait.
Ce matin la vie avait quitté Madame Yvonne le temps d’un cours instant. C’était au moment ou
son verre de sirop d’orgeat devait rencontrer ses lèvres. À la place : un grand vide. Un sentiment d’inexistence. En un instant la vie repriT comme elle était partie, effaçant derrière elle toute preuve d’évasion.
Mais Madame Yvonne n’était pas dupe, la vie en elle avait l’envie du grand air. Plus rien à paître dans ce vieux corps malade et usé. Cette idée ne l’effrayait pas. Elle ne voyait plus grand chose à espérer du reste de ses vieux jours. Cependant, détestant l’imprévu, elle attachait une grande importance à connaître l’heure et le jour du voyage . Elle s’exerçait donc de longues heures à sonder son âme et aussi scruter son corps avec la minutie d’un médecin légiste.
Cette expérience inspirante avait accompagné sa journée. Ce soir Madame Yvonne offrirait à la Seine son testament.
Les soirs de confidences, elle y déposait ses mots, les regardant danser dans les remous. La Seine offrait aux lettres de Madame Yvonne une destination bien plus vivante qu’un cahier inanimé. Peut être aurait-elle préférée simplement une écoute, mais la crainte d’une réponse et le manque d’oreilles avait fait du fleuve un confesseur tout trouvé.
Elle prit une plume, l’encre rencontra le papier et Madame Yvonne l’anxiété. Elle bu lentement son verre de sirop d’orgeat, sans encombre cette fois.
À mes Enfants
Je ne possède rien, mes seuls biens sont impalpables comme vous mais ils font partis de moi, comme vous.
Je vous donne mes erreurs au cœur de votre histoire, je vous donne ma tendresse qui vous est étrangère.
Je vous confie mes peurs. J’espère qu’elles répondront à vos questions et soulageront vos amertumes
Je vous offre ce qui vous appartient déjà . L’ours en Peluche, le landau et la poussette qui sont d’un neuf qui me déprime.
Je vous donne ma solitude, profonde et intense. Si je vous avais laissé une place, je n’en souffrirais pas.
Je vous confie Dédé, le seul qui ait eu l’audace de m’aimer et le culot de partir.
Je vous offre mes larmes et tout les mots que jamais je n’aurais pu vous dire.
Madame Yvonne fit une pause au moment ou Porcelaine vint secouer son pelage sur sa jupe en dentelle.
« Toi Porcelaine je ne te léguerais rien parce que tu n’es qu’un chat »
À vous mes enfants que je n’ai jamais eus, je vous offre mon histoire. Celle d’une jeune fille trop vite femme et brusquement vieillarde. Désespérée de votre absence et lasse de vos silences je ne vous donne qu’une dernière requête, qu’un sage conseil :
Faîtes moi des petits enfants….
Pierre Poissonnier