La Marque sur le mur.
Difficile, comme ça, placée très haut, de voir de quoi il s’agissait. Elle débordait des toits, sur le pignon encore plus haut d’un vieil immeuble adjacent.
Les caprices du temps et le poids répété des ans avaient eu raison de sa jeunesse et même les yeux affûtés des enfants, dans une scrutation prolongée, ne distinguaient pas clairement.
Les couleurs étaient parties. Seules subsistaient, à de rares endroits, quelques traces noirâtres , peut-être quelques vestiges d’un lointain incendie…
La pierre avait été gravée, mais, là encore, le temps irrémédiablement avait fait son œuvre, et la hauteur trop grande ne permettait pas la compréhension.
Chaque jour, matin, midi et soir, il passait devant.
Ce mur le fascinait, l’aimantait. Il se perdait en conjectures, s’arrachant les yeux pour tenter de percer le mystère de ce vieux mur et de son secret…
Rien n’y faisait.
Il s’était résigné, ou presque.
A chaque passage, il ne pouvait cependant s’empêcher de lever la tête dans sa direction, s’arrêtant quelques instants, totalement absorbé, comme plongé dans la contemplation.
Même en restant muette, la marque sur le mur le faisait voyager et l’emmenait très loin, dans son monde intérieur.
Le temps passait plus vite, il en oubliait la longueur du trajet, une bonne demi-heure, parfois sous un froid mordant ou une pluie glaçante, et le poids de son sac…
Un jour, plusieurs années plus tard, l’immeuble, trop vétuste, fut démoli.
Un pan de mur, tombé au sol, lui livra enfin son secret. Il s’approcha, pour mieux lire…
La marque sur le mur, publicité d’un autre âge, qui mit fin à ses rêves d’enfant, c’était, tout bonnement, DUBONNET !
L’histoire s’arrête ici ?
J’en ai bien peur ! histoire, simplement, de vous mettre en appétit…
26 février 2013 – Textes courts – louis Mancy