Dans le mur

Dans le mur…

 Dans le mur !

J’te l’dis comme je l’pense, mon vieux, en achetant cette vieille bicoque, tu vas droit dans l’mur !

Tu vas y laisser ta peau, tout tailleur de pierres que tu fus pendant de nombreuses années !

Tu as vu le travail de titan qui t’attend pour remettre tout ça en état, tu vas vieillir avant ton temps !

Tous tes week-ends à remuer des pierres, et de taille, encore !

T’en a parlé à Boulette, au moins ? Tu lui as demandé c’qu’elle en pense ?

Finies les grandes balades en dilettante, à humer très fort les parfums frais des petits matins !

Tu vas finir silicosé à avaler toute cette poussière !

Les mises en garde réitérées de ses amis n’y changèrent rien, Patrick s’entêta, s’obstina même, et acheta le vieux tas de pierres, dans le désordre,,,

Il y mit tout son savoir, son courage et son ardeur, et, comme c’était écrit, il passa tous ses week-ends et ses soirées à tirer des plans sur la comète et à scier pierre après pierre pour aménager portes et fenêtres, table et cheminée…

Boulette tournait en rond comme fauve en cage dans l’atelier improvisé et Patrick attrapa des cheveux blancs, bien avant son temps…

Le chat déserta le canapé et sut montrer patte blanche pour se faire adopter par la voisine…

Le chantier n’avançait pas vite.

Qu’importe ! Il avait du métier, foi en ce qu’il faisait, cela prendrait le temps qu’il faudrait, il n’était pas pressé.

Le plus dur était de percer le mur entre cuisine et séjour pour aménager les deux pièces en une seule.

Il avait prévu une large ouverture, coiffée par un linteau de pierre en arc de cercle.

Pour l’heure, il en était aux premiers coups de pioche et de burin.

Au pied du mur !

Dans le mur, comme le lui avait dit Herbert …Il était maintenant dans le mur !

Bravement, il ne recula pas… et bien lui en prit ! Sous les coups répétés, obstinés du marteau, le mur se fendit, s’ouvrit sur un bruit métallique.

Une boite était là, qui dormait peut-être depuis des siècles, pleine de louis d’or…

C’est peut-être au pied du mur qu’on voit le maçon…mais c’est aussi dans le mur d’une vieille maison qui vous dira, si vous lui posez la question, qu’assurément, le bonheur est tailleur !

27 mars 2012 – Textes courts – Louis Mancy