La légende de l’Orteil d’Or
Pour de valeureux écrivants et écrivantes de Bourgogne, dont chacun ou chacune, ne pouvait s’estimer le meilleur ou la meilleure et dont nul ne saurait qui était le moins bon. Un noble étranger, Bruno de la Poissonnerie, venu du Poitou, de Paris, d’Amérique ou même d’ailleurs, inventa ce qu’il appela un atelier d’écriture qu’il baptisa « l’atelier Nus Pieds ». Ce nom étrange pour écrire, non comme un pied, mais comme un lettré lui fut inspiré par ses préférences chaussantes : d’humbles souliers de cuir, laissant libres de toutes entraves ses chers compagnons de marche : Hallux, Secondus, Tertius, Quartus et Quintus. Il me semble important de préciser que Bruno de la Poissonnerie exerça par le passé, le noble métier de batelier. Je me réjouis de cette incroyable coïncidence : s’appeler de la Poissonnerie et par tous les temps naviguer entre les eaux et les mots.
Un jour parmi les jours, Bruno de la Poissonnerie rencontra une sirène icaunaise. Il jeta l’encre, acheta un encrier, se mit à enchaîner de plus belle, les mots aux phrases, aux virgules, et même par coquetterie, aux points virgules qu’il trouvait poétiques. De mots en mots, de lettres en lettres, de A en A comme Amour et Auxerre, ses écrits furent lus ; ils plurent et furent édités. Ainsi, Bruno de la Poissonnerie, attentif et amoureux des mots, de sa belle sirène et des de tous les gens, imagina un lieu où d’autres amoureux et amoureuses des mots et des autres, pourraient se réunir pour, ensemble, écrire, rire, pleurer, rêver. Et comme il n’eut pas la cruauté d’emprisonner ses chers compagnons de route, Hallux, Secondus, Tertius, Quartus et Quintus, il créa Pieds-nus, un atelier d’écriture où chacun et chacune se rendait chaque semaine chaussés, vêtus, coiffés, parfumés, comme ils et elles le souhaitaient, où femmes et hommes, jeunes ou moins jeunes, intellectuels ou non, se réunissaient autour d’une longue table, pour festoyer ensemble, écrire ensemble, rire ensemble et encore festoyer avant de rentrer chacun, chacune dans son foyer. Bien entendu, personne ne sera nommé, mais seront souligner ici la générosité, l’ouverture d’esprit, les talents de chacune et chacun, de ceux qui se réunirent dans ce lieu d’écriture et d’échange.
Ainsi naquit l’atelier « Pieds Nus », à Auxerre au vingt et unième siècle, en référence aux humbles souliers de cuir de Bruno de la Poissonnerie. Le lieu existe encore et s’y trouve à son aise en Bourgogne. Moult personnes viennent y aligner, lettres, mots, phrases toutes émaillées d’amour, d’ironie, de colère, d’indignation, de tendresse, d’amitié. Textes de grand talent, fleurtant parfois avec le génie. Que dire encore ? Ainsi, autour d’une table, semblable à celle autour de laquelle les Bretons d’un autre temps racontaient moult récits, autour de laquelle les seigneurs prenaient place…. Autour de notre table, que de belles personnes se croisèrent, que de beaux textes furent lus, que d’émotions furent partagées et de larmes aussi et de rires, et parfois de déception de l’une ou d’un autre, trahis par leurs propres plumes, mais heureux de partager les belles phrases de l’une ou de l’autre, les émotions ; oui, partager les pleurs et les rires des unes et cela depuis combien d’années ? Quatorze, je crois…