« Quand je suis né j’étais mourru »

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21 / 06 / 2022
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 « Quand je suis né j’étais mourru »

Assis sur un petit coin de terrasse , face au port , Athanase regardait les reflets du Chambolle-Musigny qu’il s’était offert. Ce délice levait le voile de nostalgie en ce jour anniversaire fêté seul.

Il avait invité Elise, femme trop vite enfuie qu’il aimait encore mais elle était restée silencieuse . Le souvenir du grain de sa peau, de l’odeur de son corps troublait sa quiétude.

Il se remémorait sa phrase d’enfant , notée par sa mère dans son cahier « quand je suis né j’étais mourru ». Il gardait de cette naissance une proximité avec la mort qu »il avait tenté de conjurer par une activité débordante.

Ses quatre vingt ans rendaient son corps noueux , douloureux, mais sa pulsion de vie l’attira vers la plage voisine, le Chambolle patienterait. Il glissa le Télégramme de Brest et sa serviette sous le bras. L’eau était froide, il nagea vite le regard fixé sur Groix qui affleurait la ligne d’horizon.

Une forte brise se leva, le journal s’envola feuille par feuille. Revenir vers la berge lui fût difficile, le clapotis lui coupait la respiration.La dernière feuille, celle qu’il n’avait pas eu le temps de lire, où son horoscope lui annonçait une journée calme et agréable disparut au bout de la plage. Il revînt rompu, sourit, il était plus fort que le destin funeste qui l’avait vu naître. Un long moment reprendre son souffle, écouter le reflux des vagues et le cœur se calma.

Sur le port, une femme ridée , encore belle demandait si l’on connaissait un certain Athanase Delvivo.

Il décida de rentrer, son Chambolle l’attendait. D’un pas vif il traversa la route, ébloui par le soleil et le désir de vivre cette journée sans faillir.

Un crissement de pneus déchira l’air, la mort enlaça soudain Athanase.

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