L’escargot qui voulait vendre sa coquille à une limace

À la façon d’une fable : L’escargot qui voulait vendre sa coquille à une limace.

Il était une fois un escargot de Bourgogne, pas bégueule et fier d’arpenter la contrée en tous sens, arborant en tout temps sa blonde et belle coquille par monts et par vaux.

A n’en pas douter, c’était le plus beau, le plus fort, le plus sportif de tous les escargots, et il se pavanait dès le point du jour, à la rosée montante, faisant mille et un passages, comme monté sur sa Rolls, dans l’herbe fraîche menant au jardin voisin, faisant fi des limaces, ces vulgaires va-nu-pieds…

Il mena si grande vie, et roula si bien carrosse, à l’abri des intempéries, du gel perfide qui tue et de la canicule qui fossilise et pétrifie qu’il ne vit pas le temps courir.

Les premières brumes d’automne venues, se sentant un peu moins dru, il entreprit un jour de s’alléger un peu s’il voulait continuer à battre ainsi campagne en toute autorité.

S’en alla trouver dame limace, sa voisine, mais, cette fois-ci, point de klaxon ni de corne à son approche, mais des courbettes et politesses pour la flatter dans son ego.

Lui dit combien elle était belle, dans sa longue robe rouge, qu’on aurait dit velours des grands jours…et qu’il serait de bon aloi, pour la garder toujours lustrée jour après jour, de la mettre définitivement à l’abri du mauvais sort et de toute vilenie…

En tant que prochain voisin, et lointain cousin, lui concéderait sa coquille à bon prix…

La limace tout d’abord grimace, car mine de rien, le prix demandé est un bon prix.

Mais, au fond d‘elle-même, elle sait bien qu’elle commence à en baver à devoir sortir chaque matin faire son marché sans parapluie, et puis l’hiver, elle aimerait bien rester au chaud…

Eh bien, sans plus tarder, tope-la, cornes croisées, baves échangées, voilà l’affaire conclue !

L’euphorie partagée fut de courte durée. La limace, encagoulée, ne pouvait plus que se traîner. Elle finit dans un bruit sec, écrasée par un godillot.

L’escargot mourut bientôt de froid, n’ayant plus rien sur le dos.

27 septembre 2016 – ludotextes – Louis Mancy