La chasse au gibier d’eau

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10 / 03 / 2014
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Consigne : Incipit de Barbey d’Aurevilly. Les Diaboliques :« Il y a terriblement d’années, je m’en allais chasser le gibier d’eau dans les marais de l’Ouest… »

 Il y a terriblement d’années, je m’en allais chasser le gibier d’eau dans les marais de l’Ouest.

C’était au crépuscule d’une vie très ancienne. C’est bien ça qui est terrible !

Pour la chasse, c’est peut-être mieux de partir à l’aube. On a toute la journée devant soi pour boire et saucissonner, prendre l’air et crapahuter, accessoirement, essayer de ne pas rentrer bredouille…

Pour la chasse au gibier d’eau, c’est différent. Tous les spécialistes vous diront que la tombée du jour est le meilleur moment : l’heure où les volatiles sortent infailliblement de leur repère pour se nourrir dans les marais.

Si t’es bien en planque au bon moment et que tu sais bien tirer ton coup, c’est la gloire assurée et ta bobine dans le canard, le lendemain, en quadrichromie !

C’est finalement beaucoup plus simple que la chasse au dahu, qui, elle se pratique complètement et exclusivement de nuit, et qui fait un carton avec les non initiés.

J’avais eu plusieurs fois l’occasion de goûter à ce genre de festivités, qui m’avaient laissé un souvenir impérissable…

Mais là, c’était nouveau, j’allais enfin faire l’ouverture du gibier d’eau, avec mon oncle, un patenté tireur !

Je l’avais déjà vu à l’œuvre, un jour ou l’autre de grande occasion. Il était redouté dans toute la contrée, et l’on ne parlait que de ses exploits. Il n’avait pas son pareil pour tirer, et si tu avais vu, à chaque coup, comme il te dégotait la cible, aux quilles !

On l’appelait le tireur de l’Ouest. Oui, parce qu’il habitait plus près de l’océan que là où nous vivions, dans le plein-Est, et aussi parce qu’il jouait de l’harmonica…

J’avais tout juste sept ans. Il y a terriblement d’années. J’étais un grand !

Il avait bravé toutes les dissuasions, toutes les interdictions.

Oui, il m’emmènerait avec lui, qu’on se le dise, faire l’ouverture ! Et nous la fîmes !

Et quelle fierté, en rentrant à la maison, de tendre à bout de bras, à qui voulait le voir, le panier que je portais , avec trois prises, si belles ! Trois superbes brochets, tout frais pêchés dans le marais des Basses Terres…

Mon oncle n’est pas chasseur. Il n’a pas touché un fusil depuis qu’il est rentré de la guerre, où il a perdu trois doigts à la main droite, ce qui l’empêcherait de tirer…

Je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais aimé la chasse : ça casse les pieds aux oiseaux !

11 février 2014 – Textes courts – Louis Mancy

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