Cette nuit là, personne ne la raconta.
Cette nuit là, personne ne la raconta.
Pourtant tous étaient là : les bourreaux, les victimes, les témoins.
Les bourreaux, parce qu’ils avaient peur. Qu’on sache. Qu’on les accuse. Qu’on les condamne. Peur même de se reconnaître. Silence.
Les victimes, parce qu’elles avaient mal. Si mal qu’elles préféraient enfouir l’ignominie, de crainte de la revivre par les mots, et par les yeux des autres. Silence.
Les témoins, parce qu’ils avaient honte. De n’avoir rien fait. D’être pour cela un peu bourreaux, et aussi victimes car leur douleur était entrée dans leur coeur. Silence.
Alors qui suis-je, qui vous parle de ce que nul n’a dit, qui n’existe pour personne hormis ceux-là ? Serais-je l’un d’eux,? Lequel ?
Je ne sais plus. Je sais que cela fut, et c’est comme si j’avais souffert, et martyrisé, et regardé.
Devrai-je d’abord en faire le récit comme une table, un mur, l’auraient fait s’ils pouvaient parler ? Quelque-chose qui ne saurait ni faire, ni avoir mal, ni n’aurait su intervenir.
Alors, quand les faits seront gravés dans la lumière, alors me reviendra peut-être ma place, ma responsabilité ou mon deuil, ma honte ou mon châtiment.
Peut-être, ou peut-être pas.
Pour l’heure, je ne suis que la mémoire de l’insoutenable.
14 novembre 2012- textes courts – Jean Marie Tremblay