In Mémoriam
Christiane C.
Christiane C s’est éteinte dans la nuit du 10 septembre 2011. Cela faisait deux ans et demi qu’elle suivait assidûment l’Atelier de Littérature ouvert à Mémoires de Bourgogne, et son absence m’est douloureuse.
Christiane C. luttait en silence : contre les voies d’eau qui pénétraient sa vieille coque et dont les noms savants auraient empli un traité médical, mais aussi contre les idées noires et le désespoir qui cognaient sans relâche à sa porte. Bien souvent, les idées qu’elle se faisait de la vie et de la dignité des personnes humaines se crispaient au contact de la réalité de son existence en maison de retraite, et la meurtrissaient.
Héritière d’une vision certainement rigide de l’éducation et des bons usages, elle était parfois choquée par les agissements de certains et elle pouvait alors avoir le jugement sévère. On pouvait alors la penser fière, et lointaine aussi. Or, elle était seulement seule, comme tant d’autres.
Je sais pourtant qu’il n’était pas nécessaire de gratter longtemps le sable dur de ses défenses, pour atteindre l’eau toujours fraîche de ses tendresses enfouies et de ses rêves d’enfant.
Déconcertée longtemps par l’exigence de laisser vivre son imaginaire et d’accueillir la fantaisie au travers des exercices de l’atelier d’écriture, elle avait néanmoins fini par lâcher quelque peu prise et nous avait confié alors des textes étonnants et émouvants. J’ai retenu celui-ci, allégorie explicite de son rapport à la vie :
Bruno
« Au cours du voyage, par la faute du capitaine, nous nous trouvons dans une île inconnue de nous. Le capitaine, enfuit avec toutes les cartes et instruments de navigation dans une barque, nous a privé de toutes les chances de connaître notre position. Nous espérons trouver quelques indications en explorant le terrain et les environs. Les résultats sont maigres ! Dans les environs d’une cabane en ruine, un rayon de soleil me fait découvrir une bouteille, et son bouchon de liège, ainsi que des rognures de papier. Seule solution pour nous, lancer une bouteille à la mer, avec un message.
Le temps passe, la faim nous tenaille et le jour baisse. La nuit sera bientôt là, et nous serons dans la plus totale obscurité, de toutes les manières !
Recroquevillés dans la cabane, serrés les uns contre les autres, nous espérons trouver le sommeil et l’espoir.
Brutalement, au ras de l’eau, une lampe brille sous la lune.
Tous nous nous redressons et retrouvons l’espoir !
Réalité ou leurre ? »
Christiane C.
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