Conte de Noël
Margaret , Maggy pour les intimes, s’était demandée si elle devait sortir ce soir là. D’abord il faisait très froid-pas étonnant avec toute cette neige qui était tombée-et puis un vingt quatre décembre tout de même ! Qui pouvait bien aller travailler un soir pareil ! Elle avait beau ne plus croire à grand chose Maggy c’était tout de même la nuit de la naissance du Christ…Comme elle était pâle la lumière de l’enfance…Elle se ressaisit : après tout les pâtissiers , les cuisiniers , les vendeurs de marrons grillés , les taxis , les comédiens , tous ces gens travaillaient ce soir là , alors pourquoi pas elle?
Nous étions le vingt-quatre décembre 1911 , à Londres , la plus grande et la plus grouillante ville du monde et Maggy marchait dans les rues. Maggy marchait , regardant parfois le ciel et les étoiles cloués au ciel par le marteau d’une nuit vertigineuse. Maggy glissait avec ses petits chaussons à talons hauts sur les trottoirs mouillés de Picadilly. Maggy souriait aux voitures qui ralentissaient à son niveau et écartait parfois son manteau pour allécher le client. Décidément il n’y avait pas beaucoup d’amateurs de chair fraîche ce soir,elle aurait mieux fait de rester au coin du feu , Merry Christmas !
Transie , elle décidait de rentrer bredouille à la petite pension de Brick Lane située dans cet East End de si mauvaise réputation et elle allait se faire un bon grog bouillant et épicé. C’était près des quais où venaient s’amarrer tous ces beaux bateaux qui partaient vers le nouveau continent. Un jour elle partirait aussi. Elle arrêterait ce foutu métier et elle irait chanter à Broadway , elle en avait toujours rêvé.
Toute à ses pensées , elle s’était égarée dans le dédale des rues sombres. Elle commençait à avoir peur . Existait-il vraiment cet éventreur , ce Jack qui avait peut-être déjà assassiné Peggy et Bessy ses amies? Derrière elle des pas résonnaient , elle se mit à courir , mais les pas s’accélérèrent. Elle jeta ses escarpins et se mit à courir pieds nus dans la neige. Se retournant elle l’aperçut , Jack , c’était sûrement lui avec son couteau brillant au poing. Hors d’haleine elle s’engagea dans une ruelle au hasard , au bout c’était le quai , sur le quai une passerelle ouverte grimpant vers un bateau. Vite la chaleur du bateau , les coursives , un coup de trompette lointain , sauvée ! En poussant une porte elle aperçut un écriteau sur lequel on pouvait lire : WELCOME ON TITANIC
21 décembre 2010 . Textes courts. Didier Laurens