Je vis de grands champs d’hiver…

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10 / 05 / 2018
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Incipit en logo-rallye : Je vis de grands champs d’hiver couverts d’oiseaux morts. Leurs ailes raidies traçaient à l’infini d’indéchiffrables sillons. Ce fut la nuit.

Le hussard sur le toit comptait les morts du choléra. L’ambiance était glauque mais le magicien arrêta de sortir des oiseaux crevés noirs et tira de son chapeau des colombes d’un blanc immaculé qui s’entrelaçaient au-dessus des champs divers : avoine, maïs, blé, betteraves et colza. Le magicien alors, tel un bel étalon, appela une belle pouliche en lamé or qui souriait mièvrement. Elle esquissa un pas de danse, fit des mondanités au public et s’en alla ramasser les carcasses de volatiles avec un panier à raisin tandis que les colombes commençaient majestueusement à picorer leurs yeux. La donzelle avait un postérieur flatteur et accrochait tous les regards pendant que le magicien préparait d’autres tours. Il présenta un immense rectangle de soie qu’il retira tel un toréador et nous présenta une autre moisson que les oiseaux morts. La pouliche avait glissé vers les coulisses et nous vîmes alors des pandas décapités qui rappelaient poétiquement le noir des corbeaux s’harmonisant avec le blanc des colombes. C’était vraiment un tour de force en plein hiver alors que les bambous ne poussent pas. Dès que le spectacle eut fait son effet, le magicien convoqua la belle en cuisse pour enfouir les oursons. Le magicien occupait la scène en faisant des bulles où apparaissaient des embryons humains. Mais bientôt le troisième tableau nous fut dévoilé. Il fallait vraiment dompter la nature pour ce tour. En effet les corbeaux morts du début, bien vivants, faisaient désormais des piquets vers des martyrs chrétiens qui agonisaient alanguis sur leur croix. Cela manquait un peu d’action d’ailleurs mais les râles rendaient la scène très premier siècle. C’était le dernier tour de force de cet incroyable magicien. Ce n’était plus la nuit et mâtines sonnaient au clocher du village. La populace applaudit, la poulisse des couliches passa avec le chapeau du magicien pour recueillir les oboles. Ce genre de spectacle était fort prisé à Joux-la-Ville.

1er mai 2018 – Textes courts et Ludotextes– Fabienne Dubues

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