Antoine le temps du succès

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01 / 05 / 2018
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Biographie : le temps du succès

Je ne suis pas vaniteux mais fier. Fier de ma vie, de mes choix et de ceux que j’ai aimé.

Quelque part, j’ai réussi, pas à la manière d’un milliardaire ou d’un sportif, mais à la mienne. J’ai tenu des commerces et fait partie des commerçants influents de ma ville.

Ma voix, mes opinions avaient un poids que le petit polonais n’aurait pas imaginé le premier jour d’école.

Nous avions eu du mal au début de notre couple avec Aline. Parce que je n’étais pas remis de la guerre. Parce que nous étions jeunes et que tenir une ferme était trop difficile pour nous deux. Les enfants étaient petits, Elisabeth et Maurice avaient à peine dix-huit mois d’écart. Le travail dans les champs, auprès des bêtes était harassant et ne dégageait pas un revenu suffisant. Aline s’étiolait à la tâche. Elle ne se plaignait jamais mais elle était née pour être commerçante. Elle était mille fois plus belle quand elle devait servir un client. Elle était incapable de traire une vache sans s’être maquillée. Elle était soucieuse et je la sentais mal à mes côtés. Je m’en voulais de ne pas être capable de lui assurer une vie plus confortable.Quand il fallut se résoudre à vendre la ferme, tout naturellement tenir un commerce me parut la bonne solution.

Nous avons acheté une épicerie qui déclinait et nous n’avons pas économisé notre effort. Mes clients m’aimaient. Ils aimaient venir dans mon commerce et m’y trouver. Les produits que je leur proposais étaient de qualité. J’allais me fournir à Rungis plusieurs fois par semaine et je tenais dans un coin de ma boutique une poissonnerie particulièrement bien fournie et réputée. Le magasin était accueillant et beau. Aline et moi ne ménagions pas notre énergie pour être reconnus pour notre sérieux et notre sens de l’accueil.

Nous formions un des plus beaux couples de la ville. Nous étions toujours parmi les organisateurs de bals, de soirées dansantes. Nous ne faisions pas tapisserie. Nous dansions la nuit entière. Nous papillonnions auprès de chacun et notre joie de vivre étaient contagieuse. La vie nous souriait enfin. Notre petite ville se souvient encore de nos valses sur la piste. Comment nos deux corps dansaient avec élégance. Nous aimions faire la fête et rire enfin après ces années de jeunesse gâchées.

Nous étions fiers de nos enfants. Ils étaient en bonne santé. Ils brillaient à l’école. Ils étaient doués en sport. Elisabeth était aussi coquette que sa mère. Son frère n’était pas en reste et profitait de son statut de fils pour faire tourner sa soeur en bourrique et s’attirer les bonnes grâces de sa mère. De mon côté, j’avais une préférence pour ma fille. Chacun était donc aimé par ses parents.

Les années cinquante furent heureuses et faciles. Les années soixante également. Elisabeth ne voulut rien entendre et décida de quitter l’école à la fin de sa troisième. Son rêve de devenir professeur de sport était impossible pour un souci de scoliose minime. Têtue, comme je pouvais l’être, elle trouva un emploi et délaissa les études. Maurice choisit d’aller au lycée. Qu’elle ne fut pas notre fierté de le voir avoir son bac et tant pis si ce fut à la deuxième reprise. Il était le premier Rajinsky à être ainsi diplômé. Il devint instituteur puis professeur de sport. Il était loin de nous mais nous étions tellement fiers de sa réussite que cela importait peu. Elisabeth se maria jeune, elle n’avait pas 20 ans et choisit à notre plus grand étonnement un jeune homme à l’allure timide et sérieuse. Ma fille si lumineuse et joyeuse me surprit. Nous n’étions pas franchement heureux de ce mariage, nous n’avions pas encore cinquante ans et aucune envie de devenir des grands-parents, nous aimions trop danser.

23 janvier 2018 – Biographies – Emmanuelle Dal Pan

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