Antoine : émotion amoureuse

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01 / 05 / 2018
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Biographie : émotion amoureuse

La première fois que je suis tombé amoureux je ne m’en souviens pas. Je ne sais pas si c’est du à la guerre et ce qu’elle m’a fait traverser, mais je ne retrouve rien. A moins que ce ne soit mon âge qui ait tout effacé.

J’ai eu des petites amies du temps où nous nous préparions en Angleterre à affronter les Allemands mais j’étais si jeune. je crois que je sortais avec des filles pour avoir l’air plus vieux et connaître la vie avant de mourir.

Celle qui, contre toute attente ralluma mon coeur meurtri par tous les copains morts sur les champs de bataille, fut celle qui allait devenir ma femme.

Cela faisait quelques mois que j’étais démobilisé et de retour auprès de mes parents. Je n’avais pas encore 21 ans et je pensais être un vieillard. J’étais heureux de retrouver ma famille au complet. Tout le monde était vivant. Aleksander était père depuis peu et Ludmilla attendait son premier enfant. Marek courtisait Anna. Il avait été prisonnier rapidement et pour lui, la guerre, s’était résumée à travailler dans une grosse exploitation agricole allemande.

Je passais mes nuits à perdre de nouveau mes frères d’arme. ma mère venait souvent me bercer pour arrêter mes cris et me rappeler que j’étais de retour. Que cela était fini. J’avais honte au matin et ne savais comment me camoufler avec mon quasi mètre quatre-vingt-dix. Alor, les filles, je n’y pensais vraiment pas.

C’est ma mère qui me ramena sur le chemin de la vie. Au village, de nouvelles têtes étaient arrivées au hasard de l’avancée allemande et des conséquences de l’occupation.

Le boulanger avait recueilli les deux filles de son épouse, Aline et Suzon. Elles aidaient à la boutique. Ma mère avait trouvé en Aline, la compagne idéale pour moi. Bien sûr, elle ne m’en rien dit connaissant mon caractère et sachant combien j’étais loin de ces préoccupations.

Je me tuais au travail dans une ferme. Je rentrais dîner et filais me coucher pour revivre mes campagnes militaires. Mais ma mère avait eu trois enfants avant moi et s’y entendait pour intervenir doucement dans nos vies. Un dimanche, elle prétexta une douleur dans la jambe pour me demander d’aller chercher le pain.

Elle n’a jamais voulu me dire si elle s’était renseignée mais toujours est-il que c’était Aline qui faisait le service. Je la revois avec son tablier blanc et son grand sourire. Elle me regardait bien franchement de ses immenses yeux noirs. Elle attendait que je lui rende son bonjour. Ce que je fis un peu déstabilisé et comme si elle m’avait toujours connu, me tendit un pain comme les aimait ma mère. Elle ajouta toujours souriante :

– Je suis heureuse de vous rencontrer. Vous avez rendu le sourire à votre maman. 

C’était la première qui ne me parlait pas de mes exploits mais de ma famille. Elle ajouta :

  • J’espère vous voir prochainement, bonne journée.

Elle souriait encore en me regardant tranquillement. Je récupérais ma monnaie, la saluais et rentrais en me demandant pourquoi je ne l’avais jamais vu avant.

Ma mère me prit le pain sans rien dire. Quand je lui demandais qui était la nouvelle vendeuse à la boulangerie, elle me dit que ce devait être une des deux belles-filles du boulanger, Aline ou Suzon. Elle me précisa qu’une des deux étaient fiancées et qu’elles étaient aussi différentes que Marek et moi. Puis elle quitta la pièce. Elle n’avait pas besoin d’en dire plus. J’espérais que celle que j’avais vu n’était pas fiancée. J’allais aider ma mère et fréquenter davantage la boulangerie et retourner au bal.

28 novembre 2017 – Biographies – Emmanuelle Dal Pan

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