Antoine, ascendance et parentèle

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01 / 05 / 2018
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Biographie : Ascendance et parentèle

Franek était un travailleur. Un de ceux qui n’existent plus. Il accomplissait sa tâche honnêtement, respectueusement, parce qu’elle le faisait vivre. Ses bras étant sa seule fortune, il se donnait complètement. Un bon ouvrier agricole ne devait pas avoir honte de son ouvrage. A cette époque, point de machine pour aider juste sa force et parfois celle d’un boeuf ou d’un cheval.

Franek s’était résolu à aller de ferme en ferme. il avait accepté d’être logé non loin du bétail sur des lits de fortune où la paille était plus accueillante que la planche vermoulue, trop usée. Il ne se décourageait pas car ses bras étaient là, fidèles et robustes. Quand les fermiers cossus n’avaient plus besoin de lui, il poursuivait sa route jusqu’au prochain champ le réclamant. Les hivers étaient rudes et les marches longues mais il restait dans l’espoir d’un mieux.

Il avait quitté ses parents, son village et sillonnait une grande partie de sa terre natale mais la faim le tenaillait toujours. Il savait que contrairement à ses aïeux , sa liberté de mouvement lui permettrait un jour d’avoir sa terre. Il y pensait de plus en plus. Cel lui était venu tout naturellement quand il avait vu Marie. Ses nattes blondes, ses yeux bleus avaient produit en lui l’envie d’aller chercher fortune au-delà des frontières. Pour Marie, il avait décidé de renoncer à vivre en Pologne. L’homme de la terre avait sectionné ses racines et traversé l’Europe. L’empire allemand puis la France avaient attiré ce travailleur infatigable.

Vivre seul, au milieu de ceux qui ne parlaient pas sa langue, était devenu possible pour se montrer digne de devenir un époux. Si il ne comprenait pas tout ce qu’on lui disait ce n’était pas si grave. Il parlait la terre et les saisons.

Il avait fait sa cour à Marie. Timidement, parce qu’il voulait être digne d’elle malgré sa pauvreté. Marie avait aimé Franek presqu’au même moment que lui. Fille de paysans, elle savait que sa vie serait de labeurs. Elle voulait des enfants et une maison pour les voir grandir. Elle savait également que ce rêve aurait du mal à s’accomplir en Poméranie. Les Russes ou les Allemands disputaient cette terre depuis des siècles. Elle commençait à accepter que sa maison serait où Franek s’établirait. Elle avait dit oui.

Quand elle n’était pas alourdie par les grossesses, elle suivait son mari aux bottes de sept lieux. L’aîné de ses fils était né en Pologne, sa fille dans un camp de prisonniers tenus par des Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Les conditions de vie y étaient difficiles mais Franek était à ses côtés sain et sauf loin des lignes de combat. Ils avaient du accepter que ce soit le commandant qui nomment leur enfant. Finalement, le prix n’était pas si lourd puisqu’ils étaient tous les quatre.

La guerre avait pris fin et Franek avait repris ses voyages. le manque de bras faisait de lui un homme providentiel dans toutes les campagnes. Il commençait à se débrouiller en français et il avait demandé si Marie pouvait le rejoindre pour travailler. Marie avait laissé ses deux enfants et découvert le labeur en France. Ils pouvaient ainsi mettre de côté pour un jour avoir leur terre et cette maison pleine d’enfants. Elle était rentrée au pays pour mettre au monde son troisième enfant. Franek avait rencontré son deuxième fils entre deux contrats et Marie avait du le laisser reprendre le chemin de l’exil pour mener à bien sa quatrième grossesse.

J’étais né loin de mon père et ma mère m’avait quitté une fois sevré pour le rejoindre dans sa tâche. Ma grand-mère me racontait Franek et Marie au milieu des champs prolifiques. Elle me serrait contre elle retrouvant le blond de ma mère et louant la force de mon père. J’étais le dernier d’un couple de laboureurs. J’étais le petit Antoine qui irait bientôt dans un autre pays. J’étais ce petit polonais qui avait peur de rencontrer pour la première fois ses parents. J’avais deux ans et je ne reconnaissais pas dans ce couple qui me souriait Frank et Marie.

03 octobre 2017 – Biographies– Emmanuelle Dal Pan

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