Et pourtant, elle tourne !

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19 / 09 / 2015
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La période des vacances nous donne encore des occasions d’évoquer et de revivre nos souvenirs d’enfance et d’adolescence. Avec mes frères, nous rions encore, malgré notre grand âge et nos fatigues, de nos aventures, nos jeux, nos distractions au temps de l’occupation en particulier. La plume de jean nous a ramenés à l’époque où l’on se distrayait à peu de frais ! Voici un titre évocateur :

« Et pourtant, elle tourne ! » … (Galilée)

Que faisait-on les dimanches d’occupation (1940-1944) nous, les adolescents de l’époque ? Il y avait des jours où il valait mieux ne pas traîner … Eh bien, à la maison, grâce à notre mère qui avait ce don, il arrivait qu’on fasse tourner les tables. Puisque Victor Hugo le faisait , pourquoi pas nous ?

Pour cela il fallait une table ronde, bien sûr ça tourne mieux ; on s’installait autour, on posait les mains sur la table, les doigts écartés ; les mains devaient se toucher ; on se concentrait, et … la « célébrante », notre mère, disait : « Esprit, es-tu là ? Si tu es là, frappe un coup ! » … La table se soulevait, frappait un coup ; (en fait, elle ne tournait pas). Parfois on demandait le nom de la personne, selon l’ordre alphabétique, 1, 2, 3…coups ; un jour, le nom fut : Baptiste ; maman interrogea : « es-tu le père Baptiste qui s’est pendu ? » Un coup ! « Oui ! »

Que demandait-on ? Quand finirait la guerre, quand « les boches » ficheraient le camp … Les réponses variaient : un mois, six mois, des années… On voulait savoir combien on aurait d’enfants ; pour Jean, c’est allé jusqu’à treize, prédiction non vérifiée ; on demandait à la table de s’incliner devant ceux qui étaient amoureux et la table de s’incliner devant un adolescent qui rougit jusqu’aux oreilles ; on ne dira pas son nom pour ne pas provoquer de drames conjugaux : vous vous souvenez de la grand-mère de Pagnol plantant sa dernière dent dans le bras de son mari pour un accident de jeunesse ?

Il est même arrivé d’aborder des thèmes religieux.Ce jour-là, autour de la table il y avait un curé ! « Esprit, incline-toi devant ceux qui sont en état de grâce ! » Et la table de s’incliner devant notre grand-mère et un autre adolescent dont on ne révélera pas le nom, sinon son orgueil lui ferait perdre son état de grâce. Et on chantait, et la table dansait au rythme de « avec les pompons, avec les pompons, avec les pompiers ». Nous étions dans la cuisine nous avons suivi, conduit la table descendant les marches jusque dans la cour. Nous ne savons pas si les tables de Victor Hugo vibraient au son de ses poésies mais nous, nous l’avons vécu !

Ce spectacle n’était pas un privilège de notre maison ; chaque année, on allait à Ponceau, hameau de Charbuy, pour fêter la Sainte Anne, le dernier dimanche de Juillet ; nous avons le souvenir de la salle à manger remplie de soleil, d’une comtoise sur-ornée de motifs dorés, de tartes aux prunes grandes comme des roues d’auto, de l’oncle avec sa barbe blanche, donc Victor Hugo, et de la tante Mélie, tante de notre mère qui … faisait tourner les tables ; c’est peut-être un don de famille, vu qu’on descendait, dit la tradition, de colporteurs hongrois, vendeurs d’almanachs, venus en France au XVIème siècle ; des bohémiens ? Pourquoi pas ? Eh bien, le jour de la Sainte Anne, il arrivait que la table de la salle à manger atterrisse dans la cour de la tante Mélie ! Nous ne savons plus si c’était avec les pompiers. On était peut-être au temps de l’occupation mais ce n’était plus le moment de l’inquisition ; heureusement !

Alors, le don s’est-il transmis ? Personnellement, je possédais un certain magnétisme (à vérifier aujourd’hui). Quand, sous l’occupation, nous prenions le bus à gazogène, nous nous mettions au fond, debout, et je regardais le nez d’un passager debout près du chauffeur, je pensais très fort : « tu as une mouche sur le nez ! » quelques instants après le gars faisait le geste de chasser la mouche et se frottait le nez ; bien sûr, nous nous mettions à rire et nos voisins se demandaient pourquoi car rien n’était risible dans ce bus bringuebalant qui conduisait les maraîchères à Auxerre.

Quelques années plus tard, dans le métro parisien, je réalisais les mêmes exploits au grand étonnement de mes copines normaliennes qui avaient du mal à y croire et me demandaient d’utiliser mes dons sur les professeurs car certains nous lassaient fortement ! Il s’en est envolé des mouches ! En cas de réussite, c’était le rire discret dans la classe surtout quand la prof restait persuadée que c’était son cours qui nous donnait tant de joie ! Ce n’était pourtant pas le cas de la morale professionnelle !

Je savais aussi, tenant en main ma chaîne et médailles pieuses au dessus des livres de physique, géographie et autres, faisant défiler les pages, trouver les sujets de composition du lendemain : si la chaîne se mettait à tourner il fallait étudier ce chapitre-là ! C’était moins sûr pour les examens !

Devenue mère de famille, est-ce mon fluide, (mon magnétisme ?) qui me permettait de consoler rapidement un enfant qui pleurait ou qui disait « j’ai mal » ; le regard, une main et des joues que l’on caresse, des câlins avant de s’endormir, c’était prodigieux ! Je l’ai fait aussi avec des malades de ma famille ; c’est toujours un peu de paix qui gagne le cœur des souffrants : avec les personnes âgées c’est leur faire retrouver le sourire et l’assurance qu’on les aime.

14 septembre 2015 – Fragments – Marité G.

1 Commentaire

  • Pezennec Denise

    Eh bien, MARITÉ, après avoir lu ton récit sur les tables je vais te regarer avec d’autres yeux !! En fait, je ne suis pas plus étonnée que ça de te découvrir des dons de magnétisme et de persuasion,,,Tu n’as pas fini de nous étonner…je me rappelle avoir vu chez moi aussi quelques expériences de  » spiritisme » mais ça ne devait pas être probant, je n’en ai pas gardé de traces et je m’incline fort devant tes POUVOIRS…amitiés

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