Les fées des Gondards

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17 / 04 / 2015
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Courson est entouré de Collines assez élevées qui le plongent dans une sorte de cuvette. La colline du Suchois est surplombée d’une grosse ferme éponyme où nous aimions aller.

Les gens qui habitaient là étaient gentils et généreux. Mon père les connaissait et il n’était pas rare qu’il en descende avec des œufs, parfois un lapin. En ces temps de disette c’était la fête et ma mère n’avait pas son pareil pour confectionner un savoureux civet.

Du haut du Suchois on voyait Vézelay et très loin vers les monts du Morvan.

Mais dans la grande salle, entre deux verres d’une infâme piquette, on parlait de choses qui m’intéressaient fort. On apercevait des fées, des grandes dames blanches sortant des trous du sol, et qui disaient des choses, faisaient des gestes précis et comminatoires. Elles avaient prédit la grande guerre, annoncé des catastrophes. Le père Dumu les avaient vues, mais depuis dix ans le père Dumu était sourd et aveugle, et seule sa barbe de patriarche blanchissait la salle ténébreuse de suie.

Je résolu d’y aller. C’était l’époque où s’édifiaient partout des statues de la Vierge. Saint Moré, plus connu pour son tunnel, avait sur un roc une énorme statue de bronze où je suis monté bien souvent. D’où venait l’argent d’un tel édifice ? Pas de vignes, des rochers ! Le père Leleu, son voisin, plus adroit à grappiller quelques sous qu’à en distribuer : sans doute l’intervention du divin fils avait-elle favorisé la chose.

Pour moi, c’était surtout le trou aux fées qui me passionnait. Je finis par le découvrir au pied d’un sapin tordu. Entrée étroite, mais j’étais bien mince. Une salle assez vaste, grotte peut-être – elles abondaient dans la région – mais plutôt une ancienne carrière fermée par un gros éboulis. Je trouvais sans difficulté le passage vers une salle bien fermée cette fois. J’avais une lampe à carbure. Riche en carbure mais pauvre en eau.

Il fallait repartir. Stupeur ! Perdu dans la complexité de l’éboulis, je ne retrouvai pas le passage. Je cherchai, je m’acharnai ! Rien de rien ! Des fissures impénétrables, des méandres infranchissables. Dix fois, vingt fois, je me torturai le corps et l’esprit : j’étais passé facilement, il me fallait retrouver le passage !

La caverne s’était fermée comme une huître. J’avais de l’expérience, de la souplesse, un grain d’intelligence, mais rien de rien !

C’était une question de vie ou de mort. Qui viendrait me chercher là ?

Je me lançai à corps perdu dans le moindre boyau, dans la plus étroite fissure ; et puis la lampe baissait. D’une belle lumière blanche, elle virait au bleu. Un bleu qui annonçait la fin. Qui annonçait la mort.

J’avais prévu peu d’eau. En principe dans une caverne, on en trouve toujours ; gouttes qui tombent, ruissellements, flaques, bassins.

Ici, rien. La carrière était sèche comme une éponge scolaire après trois mois de vacances.

Restait une solution, désespérée, ultime et au demeurant assez dégueulasse.

Pisser dans le réservoir à eau.

C’était ça ou la mort. Qui serait venu me chercher dans ce trou minuscule, alors qu’au demeurant je n’avais prévenu personne.

La belle lumière blanche revint. Elle me livra le passage que j’avais tenté vingt fois.

Comme Lazare je sortais de la tombe. J’imagine que les fées m’ont tendrement aidé.

13 avril 2015– Fragments- Jean Jacques L.

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