J’attends

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21 / 12 / 2012
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 Palais de justice. 14 h.

 Assise sur un banc, j’attends.

Personne.

Derrière moi, de grandes baies vitrées, closes sur un jardin de buis à la géométrie rigide, fermée.

Un rayon de soleil frappe le carrelage grisâtre à mes pieds. J’ai froid. Un livre ouvert attend sur mes genoux.

Silencieuse et rapide passe une avocate sanglée dans sa toge noire, serrant contre elle un dossier sombre.

Des pas pressés sur le sol sonore : des talons qui sabotent et martèlent ; bruits sourds, irréguliers puis une avalanche de claquements brefs. Une haute dame au regard lointain, mal à l’aise sur les talons perchés de ses escarpins me frôle presque. Elle s’éloigne… Le silence à nouveau, lourd, épais. Devant moi, un alignement de portes doubles, feutrées, discrètes. Aucune voix. Pas le moindre chuchotement. J’attends…Derrière ces cloisons secrètes se jouent des vies, des destins , se nouent des drames : rien n’en transpire.

Au loin, l’attaque ferme de ballerines de cuir plates. Un fer de talon soudain près de moi. Une greffière qui jouit d’un moment de détente ; la fumée de sa cigarette la poursuit et m’enrobe. Un sentiment d’oppression et d’anxiété me gagne. Je ne serai pas entendue. TOI, que te demande le juge des tutelles à ce moment précis ? Je tends l’oreille, tous sens aiguisés. Rien… Je m’efforce de parcourir une page. Concentration nulle. Les lettres dansent , confuses .

Des battements de porte au bout du couloir. Je tends le cou. Un gendarme approche, souple sur ses semelles de crêpe, étrangement suspendu silencieux dans l’espace…Que c’est long ! Le temps stagne au ras du sol. La galerie profonde telle le cloître d’un monastère de religieux muets est déserte désormais… Serrures lourdes, échos métalliques amortis…Le palais de justice me semble l’antichambre de l’enfermement .

 novembre 2012 – Textes courts – Denise Pezennec

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