Je me souviens…

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25 / 01 / 2012
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Je me souviens…

Je me souviens des caramels plats , 2 pour un sou.

Je me souviens de mon livre de lecture, méthode Boscher, et de la maîtresse, Mme Chopin. C’était pas gai gai…

Je me souviens des veillées avec les voisins, pour « mander » les noix et manger des beignets croustillants, après le travail.

Je me souviens des pneus pleins que l’on fabriquait pour nos bicyclettes en enfilant, sur un arceau de fil de fer, des tronçons de vieille chambre à air.

Je me souviens du grand parapluie bleu sous lequel j’ai élevé ma fille, et de ses siestes dans les champs.

Je me souviens de mon premier livre : Bécassine.

Je me souviens de l’odeur de corne brûlée qui venait de la forge lorsque le maréchal-ferrant posait des fers des chevaux et des coups de marteaux qui frappaient dur l’enclume en faisant jaillir des étincelles.

Je me souviens des attrapes-mouches pendus aux poutres des maisons.

Je me souviens d’avoir récolté ces mouches pour aller pêcher l’ablette.

Je me souviens du ramassage des peaux de lapins qui séchaient dans la grange en attendant le collecteur. « Peaux de lapins ! Peaux ! » Le produit de la vente était pour les tirelires des enfants.

Je me souviens de Gaulle et Leclerc descendant les Champs Élisée vers Notre Dame, des coups de feu tirés sur le parvis et les rues adjacentes depuis les toits.

Je me souviens de mon premier livre : « Bicot président du Club ».

Je me souviens du premier film en couleur que j’ai vu à Auxerre « Blanche Neige et les sept nains » et d’y être, s’il vous plaît , allée en automobile, celle du père de mon amie »Mimie » qui m’accompagnait.

Je me souviens du ramassage des doryphores dans les champs de pomme de terre, lorsque j’étais écolière:c’était en « activités dirigées », sous la surveillance du maître d’école.

Je me souviens des cloches en grillage pour protéger les fromages des mouches.

Je me souviens des brins d’herbe que j’enfonçais dans le trou des grillons

Je me souviens des semelles de bois articulées, pendant la guerre.

Je me souviens du garde-champêtre et de son tambour, quand il appelait la population pour écouter les avis. Quels coups de baguettes ! Avis…roulement de tambour, avis… Et pour finir « Qu’on se le dise ! »

Je me souviens de la grande croix rouge peinte sur les toits de l’orphelinat et des soldats allemands qui venaient s’y mettre à l’abri à chaque alerte.

Je me souviens de notre premier poste de TSF installé dans la cuisine par Étienne Moreau.

Je me souviens du raffut que faisaient les éboueurs en laissant choir les poubelles sur le trottoir. 15

Je me souviens des immenses marronniers de l’école des filles à l’ombre desquels les maîtres nous faisaient répéter les scènes de théâtre écrites par les élèves, et que l’on donnerait pour financer un voyage scolaire.

Je me souviens des rondes de la Défense Passive, surveillant l’occultation des lumières.

Je me souviens du bruit des sirènes sonnant les alertes, et de nos descentes dans les caves de la pension. C’était moins gênant à l’heure des cours que la nuit.

Je me souviens des lapins blancs à grands poils que ma grand-mère « plumait » en été pendant les vacances.

Je me souviens des lessives à la cendre quand on manquait de lessive.

Je me souviens du réparateur de parapluies qui se tenait sous la Tour de l’Horloge à Auxerre et qui se nommait Mr Desfray.

Je me souviens à la Libération de la grande peur de mon mari et d’un de ses amis, confondant les pétarades d’une Sita avec des coups de fusil.

Je me souviens des révisions d’examen, à la lueur de la lampe de poche, sous les draps, quand j’étais pensionnaire.

Je me souviens d’une phrase dont je me gargarisais: « Le marin a bu du vin »

Je me souviens de notre première automobile, la célèbre « Rosalie Citroën », qui a fini en petit tracteur sur les terres du Charolais.

Je me souviens des groupes de clochards, assis sur le trottoir, dans les vieilles Halles de Paris.

Je me souviens de l’eau fraîche de la fontaine Menestreau et du linge que ma tante me laissait rincer.

Je me souviens du jour ou mon père nous a conduit mes deux frères et moi, à l’orphelinat.

Je me souviens des vieux autobus à plate-forme, et de la chaînette qu’il fallait tirer pour obtenir un arrêt.

Je me souviens du hachis d’orties que maman préparait pour la pâtée des canards.

Je me souviens du grand chagrin de la perte d’un mouchoir dans les toilettes de l’école.

Je me souviens de la crécelle que l’on utilisait à la messe, en remplacement de la cloche, dans le temps de Pâques.

Je me souviens des séances de « Pathé-Baby » à l’école : c’était le samedi après-midi, souvent avec Charlot ou Laurel et Hardy.

Je me souviens du certificat d’études, au chef-lieu du canton:épreuve de sciences « décrivez un escargot qui se déplace ».

Je me souviens du sentier qui montait à Vézelay depuis Asquin, bordé de buissons de mûres.

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Je me souviens du bouquet de fleurs de petits pois cueillis dans le jardin pour une « leçon de choses » destinée à l’école ; colère de mon père le jardinier.

Je me souviens que ma mère m’avait interdit de jouer une scénette de La mère Michel organisée par l’école, car elle trouvait cela ridicule.

Je me souviens des longues grèves des transports à Paris en 1947 : on se déplaçait avec les camions de l’Armée, qui faisaient aussi le ramassage des ordures.

Je me souviens de l’eau dévalant les caniveaux pour nettoyer les rues.

Je me souviens du catéchisme avec le curé Carré, et de la pomme de terre que des gamins avaient enfoncée dans le pot d’échappement de sa voiture.

Je me souviens du premier (et dernier) vote de ma grand mère le 29 avril 1945. Les femmes votaient pour la première fois.

Je me souviens des lendemains de grand vent où l’on allait chercher les noix dans le ruisseau.

Je me souviens de la distribution des prix qui réunissaient les parents et les enfants dans une cour d’école torride, et de l’estrade sur laquelle il fallait monter pour aller chercher ses prix et embrasser monsieur le Maire, Jules Richard : qu’il était laid !

Je me souviens des tickets d’alimentation que l’on collait à la gomme arabique pendant les années de restriction.

Printemps 2011 –Textes collectifs – Mémoires de Bourgogne

 

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