l’inquiétant voyageur

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24 / 11 / 2011
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Consigne  : l’inquiétant voyageur 40 mn

 Le voyageur qui est descendu dans l’hôtel, ce 13 mai 1907, aura laissé des souvenirs effrayants. Au cocher qui lui fit traverser le plateau par la route de Grandrieu, au personnel de l’hôtel qui eut commerce avec lui : Jeanne la servante qui se jeta dans un puits le dimanche suivant et Louis le factotum dont la raison s’envola comme feuillage d’automne, dans le courant du mois de juin. Aux chevaux, que plus personne ne put atteler ensuite et qui finirent cuisinés avec des haricots rouges, à la diligence même, dont l’essieu principal rompit sur le retour.

Au troupeau de vaches qui s’enfuit et court encore quand il descendit face à leur pacage à la Croix de l’Abbesse, enfin, à la bête immense et maigre qui hurla longtemps, le museau dressé, quand il monta à sa rencontre, vers le Bois des Châlits.

Décrivez cet étonnant personnage, racontez un moment de son voyage. Vous êtes, selon le bon vouloir du tirage au sort, le voyageur inquiétant, la patronne de l’auberge, un autre voyageur qui dîna dans la même pièce, un cheval, le cocher, Louis, Jeanne, la diligence, le petit pâtre de la Croix de l’Abbesse qui le vit descendre de la diligence et gravir le sentier de la forêt, et, la bête hurlante et efflanquée.

Je suis Louis, l’homme à tout faire

 J’ai toujours été dans cet hôtel. En ce fait, je suis né dans la ferme à côté et dès mon plus jeune âge, mes parents m’ont envoyé travaillé comme commis chez les Duboivin, patrons de l’hôtel.

Jeanne, leur servante est arrivée peu de temps après moi. Nous nous entendions bien, elle était gentille avec moi. A un moment même, elle a été ma fiancée. Mais il y avait beaucoup à faire, pas le temps pour batifoler ! Je travaillais dur tous les jours de la semaine.

Certains voyageurs étaient exigeants, ça mettait un peu de piment à ces jours qui se ressemblaient. Jusqu’à ce mercredi 13 mai 1907, où la diligence arriva de bonne heure, comme à l’accoutumé. Rien qui ne présageait ce qui s’en suivit. Sauf, peut-être, la nervosité des chevaux.

Jeanne s’affairait aux fourneaux. Elle avait déjà fait soigneusement la chambre. La patronne préparait la table. Le patron, lui, était parti chercher du bon vin au village d’à côté afin de bien recevoir le voyageur tant attendu.

J’étais à l’écurie préparant les chevaux pour la diligence suivante lorsque j’entendis des hurlements et des supplications à n’en plus finir. Je me précipitai avec une fourche. La patronne était suspendue par les pieds à un crochet, la gorge tranchée, se vidant lentement de son sang sous le regard ahuri de Jeanne, le visage livide, à genoux, attachée à une roue de la diligence, suppliant ce monstre d’arrêter le massacre.

L’homme n’entendait rien, il sortit un long couteau de boucher et dépeça avec une agilité sans pareil ce corps encore chaud, d’où s’échappait quelques gargouillis rougeâtres.

J’étais telle une statue durant un moment puis soudain une rage s’empara de moi. D’un bond, je me jetai sur l’homme et l’enfourcha tant et si bien qu’il tomba en avant, transpercé, gisant dans une mare de sang.

D’un sang froid étonnant, je réussis à décrocher la patronne bien qu’il n’y eut plus rien à faire pour elle. Puis j’allai libérer Jeanne, figée d’horreur.

Plus tard, j e l’accompagnai dans sa chambre et l’allongeai sur le lit. Elle y resta, sans bouger, ni mot dire, jusqu’à ce que l’on la retrouva, le dimanche suivant, morte au fond du puits.

Le patron revint en fouettant cocher alerté par le petit pâtre dont le troupeau de vaches courrait encore après avoir croisé cet inconnu gravissant le sentier de la forêt en direction de l’hôtel.

Il sauta en marche au milieu de la cour et se précipita vers l’attroupement. Il découvrit avec horreur le corps mutilé de sa femme ainsi que l’homme enfourché. Il essayait vainement de comprendre ce qui s’était passé. Tout se mélangeait dans sa tête. Pourquoi, pourquoi cette boucherie ? Personne jamais ne comprit. L’hôtel fermé, le patron barricadé à l’intérieur. Jeanne morte, les chevaux à l’abattoir, cuisinés avec des haricots rouges, la diligence à la casse.

Sans repère, petit à petit, je sentis ma raison s’envoler. Parfois, je me retrouve nu dans les bois des Châlits hurlant à la mort avec la bête efflanquée.

Lorsque je reviens au village tout écorché, les yeux hagards, les gens baissent la tête et allongent le pas. Les plus courageux me lancent un regard fugace, l’air compatissant.

Cette histoire est devenue légende et attire quelques curieux avides de sensations fortes.

01 février 2011 – Textes courts – Betty lefebvre

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